Il y a d’énormes risques, pour tout RGP jap’ qui se respecte, à jouer la carte d’un univers ultra-cohérent sur toute sa longueur. En effet, et ce surtout depuis l’avènement des dernières générations de consoles, l’attrait principal du genre, c’est l’émerveillement perpétuel de la découverte de nouvelles zones d’exploration. Une soif insatiable de dépaysement qui pousse le joueur à tracer toujours plus loin sur les rails d’une intrigue tyrannique. Il s’agit donc pour le game-designer de conserver un équilibre minimum entre la persistance d’un univers et le renouvellement continuel de son esthétique, entre la cohérence et la variété. Or, dès lors qu’on s’immerge dans un univers à l’identité plus marquée, le danger devient plus grand. Il y a des réussites -Skies of Arcadia et son ambiance flibuste aérienne-, des échecs et il y a… Wild arms 3.
Un mélange de western uchronique, de post-industrialisation et de récurrences RPG plus propres au style médiéval-fantastique, voilà ce qui caractérise la série. Indubitablement, c’est original. Du moins en surface, parce qu’en ce qui concerne le gameplay, ou le scénario, Wild arms 3 n’échappe pas totalement au piège de l’enfilade de clichés : une planète mourante, quatre aventuriers plongés malgré eux dans la tourmente, des invocations élémentaires, des vilains en quête de super-pouvoirs, on a déjà vu ça cent fois. Aucune surprise, une soupe académique qui fonctionne encore -mais pour combien de temps ?-, reste que cet univers de far west à la Trigun, inhabituel, presque déplacé, apporte un peu de saveur exotique à une recette qui commence à prendre de la bouteille. Un décalage esthétique qui se maintient tout au long du jeu, avec ses étendues désertiques, ses villages fantômes, ses cowboys désabusés et ce pastiche de musique à la Morricone plutôt convaincant. Wild arms 3 se pare d’une direction artistique qui tient la route et qui parvient à s’accommoder d’une intrigue plutôt complexe, qui part dans tous les sens et repose sur des référents qui n’épousent pas forcément de manière idéale les principes du western. Le plus gros handicap d’une telle formule, c’est qu’elle finit irrémédiablement par enfreindre la loi énoncée plus haut. Wild arms 3 ne se hisse pas au-delà du RPG sympathique, parce qu’il lui manque l’essentiel : la magie et le charisme qui caractérisent les chefs-d’oeuvre du genre.
Même amputé de ce « petit plus qui fait toute la différence », le jeu conserve une grande part de sa séduction. Quelque chose de passé et de nostalgique -renforcé par un cel-shading un peu particulier, recouvert d’un filtre qui donne une impression de crayonné et des teintes majoritairement jaune/ocre- qui lui confère une certaine beauté crépusculaire. Les donjons, basés sur des énigmes souvent assez retorses et plus proches de l’idée qu’on pourrait s’en faire au sein d’un Action-RPG à la Zelda, font oublier une succession carte-village-quêtes un peu systématique et un gameplay déjà éprouvé. Dommage qu’ils soient une fois de plus plombés par des combats aléatoires bien trop fréquents -même si, une fois n’est pas coutume, il est ici possible d’en éluder quelques-uns. Wild arms 3 ne souffre même pas de défauts patents sur lesquels on pourrait s’acharner. C’est juste un produit solide, presque artisanal, majoritairement plutôt bien pensé, un RPG mineur qui obtiendra sans problèmes l’adhésion des amateurs du genre -sans doute en manque en cette période de disette-, malgré son manque d’envergure.