Il régnait, il n’y a pas si longtemps, une telle hystérie autour du phénomène Pokémon qu’on était quasiment sur le point d’oublier que derrière le marketing se cachait un vrai jeu. Un jeu qui souffrirait presque d’une sorte d’ostracisme larvé, comme si Pokémon était mauvais de fait, ou plutôt que son statut ludique échappait définitivement à toute critique. Ou n’existait plus, rongé par le merchandising, l’anime, les autocollants, les peluches immondes, on en passe. Ce n’est plus un jeu, c’est une entreprise de manipulation, le symbole d’une éventuelle OPA d’un impérialisme financier nippon sur la jeunesse occidentale. Pikachu est l’Ennemi, plus sournois que Bill Gates, parce que d’apparence sympathique et concon, le chantre du néo-capitalisme vidéoludique avec la PlayStation 2 triomphante.
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et l’hystérie anti-Pokémons a pris du plomb dans l’aile… On peut désormais se pencher en toute quiétude sur le jeu. Le juger pour ce qu’il est, soit une sorte d’introduction vulgarisatrice aux RPGs console. Et reconnaître qu’il n’est pas aussi infamant qu’on pourrait le croire : Pokémon est même un bon jeu, qui repose sur une mécanique ludique solide, conviviale et addictive, nipponne en diable. Un soupçon de collectionnite noyé dans une vaste soupe RPG magnifiée par les contraintes du support GBA qui lui confèrent un cachet 16bits -l’âge d’or du genre. Evidemment, il ne faut pas s’attendre à du Dragon quest. Le seul défi ici consiste à assimiler les centaines de Pokémons disponibles sur la cartouche, de connaître leurs forces et leurs faiblesses, ce qui représente déjà une certaine charge de travail pour le joueur. Un peu vaine parce que le jeu n’est pas bien difficile. Par ailleurs, il suffit de level-upper ses bestioles pour s’acquitter des duels les plus ardus. C’est parfois un peu lassant, les combats n’étant pas particulièrement dynamiques. Mais voir sa bestiole évoluer, changer de forme, apprendre de nouvelles attaques amène indéniablement de la valeur ajoutée à un système ludique déjà efficace en soi. Tellement efficace qu’elle parvient, sans trop de casse, à s’affranchir partiellement d’une véritable histoire qui justifierait ce safari puissance dix mille. « Attrappez les tous », c’est tout, la pub ne mentait pas. Mais trois mots suffisent, parfois, pour créer un mythe, aussi discutable soit-il…