Hero, objet de tous les soins de la part de l’industrie cinématographique officielle chinoise qui tente de le vendre comme le fleuron de son savoir-faire, est une sorte de remplaçant de luxe de L’Empereur et l’assassin qui, sur le même créneau, en racontant la même histoire avec des moyens similaires (mais sans stars, sinon Gong Li), n’avait pas réussi à conquérir le marché international. Les temps changent, un certain cinéma chinois -académique, officiel, mais heureusement incapable d’étouffer les jeunes pousses qui, sous la conduite de Jia Zhang-ke, font de la contrebande de cinéma dans son dos- ne raisonne désormais plus qu’en termes de marché, tout en prenant soin de se draper dans l’alibi du produit culturel de haute volée (la grosse épopée en costumes). Le film de Zhang Yimou ambitionne donc de faire mieux que celui de Chen Kaige et compte pour cela sur l’énorme et inattendu succès du Tigre et dragon d’Ang Lee. Conclusion : Hero, c’est L’Empereur et l’assassin, avec un casting plus fourni en stars universellement reconnaissables et une forêt de câbles.
Un empereur, un assassin. Au IIIe siècle avant notre ère, alors que la Chine est divisée en sept royaumes, le roi de Qin tente par d’interminables guerres d’unifier le pays en un empire dont il serait la tête. Trois assassins sont dépêchés pour le supprimer et il promet la fortune à quiconque les en empêchera. Un jour, un dénommé Sans Nom se présente à lui avec les armes des trois guerriers en guise de trophée. Il commence alors à raconter au roi comment il s’y est pris, mais son récit devient vite un conflit de versions, selon le schéma désormais canonique de Rashomon. D’un point de vue politique, il ne fait guère de doute que Hero est aliéné à la ligne du parti, tant l’apologie implicite du nationalisme chinois et de l’œuvre unificatrice de Mao est peu discrète, jusqu’à une sorte de légitimation par contumace de l’oppression envers le Tibet (apprenant qu’il existe dix-neuf manières d’écrire le mot « épée » en chinois, l’empereur rétorque qu’il serait bon d’en finir une fois pour toutes avec les particularismes régionaux, par la force si nécessaire). Pour le reste, Zhang Yimou est fidèle à lui-même, se montrant aussi balourd dans le wu xia pan (le film de sabre) qu’il l’est dans ses portraits chinois et ses atroces mélos. Des figurants par milliers, une bande son à réveiller les soldats en terre cuite des tombeaux impériaux, une palette de couleur façon échantillon de coloris de moquette à Saint-Maclou, des pirouettes câblés à n’en plus finir, des animations numériques confinant à une sorte de lyrisme exotique et benêt, bref : une chorégraphie de poupées de chiffons sans âme et sans saveur, produit d’un imaginaire rapiécé perclus de suffisance.