Orchestrée par un Terry Gilliam qui, à cette époque, sortait tout droit du célèbre groupe des Monty Pyton, cette « symphonie baroque à teneur kafkaïenne » raconte l’histoire de Sam Lowry, fonctionnaire modèle embriqué dans les rouages d’une mégapole ultramoderne, qui se trouve confronté à toute l’absurdité du système, à cause d’un cafard tombé dans un ordinateur…
Considéré comme « culte » par de nombreux spectateurs, Brazil propose une sorte de voyage, une quête orwellienne dans un univers totalement décalé dont l’absurdité peut être aussi bien drôle que très poétique tout en affirmant une notion d’angoisse extrêmement importante. Cette absurdité, on la doit à l’imagination « ravagée » du cinéaste, cet ex-Monty Pyton qui contribua pour beaucoup au succès de Sacré Graal et de La Vie de Brian, et qui impose dès lors une pléïade de trouvailles à la fois loufoques et cohérentes, donnant aux différents films leur atmosphère si particulière.
Mais même si ce sont toutes ces trouvailles qui ressortent durant la projection d’un tel film, il est à noter qu’elles ne sont présentes que pour illustrer une thématique importante : la peur d’une certaine forme de totalitarisme. Il ne s’agit donc pas d’une surenchère d’effets matérialisés avec une somme modique (le film ne coûta que 15 millions de dollars ! ) mais d’une vision relativement pessimiste de la société moderne ou chaque citoyen n’est plus qu’un chaînon dans la grande évolution du totalitarisme. C’est ainsi que le personnage principal (Jonathan Pryce, excellent ), enfermé entre un travail de bureaucratie totalement inintéressant, des soucis d’ordre domestique (toujours des problèmes de tuyauteries ! ) et une mère possessive et liftée, trouve refuge dans ce qu’aucune force ne peut altérer : ses propres rêves. Ses rêves dont les représentations sont à la fois d’une rare poésie, mais dont le coté kitsch (déjà à l’époque) apporte suffisamment de décalage pour leur donner un goût amer. Une grande paranoïa préexiste pendant tout le film : en effet, Terry Gillam, qui définit lui-même Brazil comme « la face cachée d’aujourd’hui », nous fait tout d’abord rire, via le burlesque, de ce monde totalement absurde avant de nous démontrer qu’il peut s’avérer être d’une extrême violence et d’une grande noirceur. Aussi cette paranoïa s’accroît-elle au fur et à mesure que le spectateur suit le parcours de cet antihéros parti en quête de « la femme de ses rêves ». Cette immense mégapole finit alors par donner un véritable vertige tout en affirmant une notion de claustrophobie certaine, ce qui renvoie à d’autres films tels que Métropolis de Fritz Lang Blade Runner de Ridley Scott, et plus recemment Dark city d’Alex Proya, notamment dans l’idée que la ville absorbe l’individu. Cette absorption, on peut soit s’y soumettre comme la grande majorité de la population, soit la combattre tel ce plombier terroriste campé par un Robert De Niro aussi fugitif qu’inoubliable. Sam Lowry, en la combattant, se rendra rapidement compte de l’impossibilité d’y échapper.
Ainsi Brazil se définit plus que jamais comme un « chef-d’œuvre », même s’il est à noter qu‘en l’espace de 12 ans il a prit quelques rides. Néanmoins, il s’agit bien là d’un grand moment de délire formel qui place son auteur comme un des cinéastes les plus loufoques du cinéma. Ce sentiment se renforce d’ailleurs avec les films qui suivront : notamment Le Baron de Munchausen, L’Armée des 12 singes.