Dans le tiercé fondateur de la collection « No Format » (une « collection insouciante », censée se soustraire aux diktats du formatage, du cadrage et de l’étiquetage pour accueillir les musiques refusées ailleurs parce que « trop fragiles, trop radicales, trop typées » ou « trop élitistes »), Nicolas Repac se distingue par l’originalité de son projet et la remarquable réussite du résultat : Swing swing, c’est une sorte d’hommage décalé au jazz des années folles, aux trottoirs de Harlem lorsque Duke Ellington y promenait son dandysme, aux déhanchements fiévreux des danseurs s’élançant sur la piste d’un Cotton Club transformé en machine à fabriquer de l’exotisme sonore. Pour faire venir la classe moyenne blanche dans les soirées dansantes des clubs new-yorkais, on lui offrait alors des revues dépaysantes truffées de gadgets africains, des danseuses aux pagnes en peau tachetée se trémoussant devant des décors en carton-pâte représentent la jungle et ses dangers, des trompettes au growl appuyé et des batteries censées évoquer les tambours de brousse. Le Duc donna ses lettres de noblesse à la « jungle music » sans imaginer que, quelques décennies plus tard, des loustics bidouilleurs reprendraient le terme à leur compte pour qualifier l’une des branches du grand baobab électronique. Et encore moins, sans doute, que le talentueux Repac fondrait la jungle d’hier et celle d’aujourd’hui dans un brouet electro magique et atemporel, comme les ondes octogénaires d’une vieille radio jazzy qui surgiraient tout à coup dans un iPod. Déambulation atmosphérique étrange et surprenante dans la mémoire du jazz de l’entre-deux guerres, Swing swing s’appuie sur une palette de samples évocateurs, à la bordure du cliché parfois, pour élaborer des climats pénétrants et déstabilisants, coulant un piano stride et une trompette bouchée dans le moule d’une boucle savamment composée, convoquant Cab Calloway et Fats Waller pour soutenir ses boîtes à rythmes, contournant la prohibition en promettant l’ivresse sous forme d’envoûtements électroniques. La finesse du dosage et l’intelligence proprement architecturale dont fait preuve le fidèle coéquipier d’Arthur H évitent à Swing swing de verser dans le procédé ou la récupération : Repac fait poétiquement revivre la Swing era en l’explorant à sa manière, les outils d’aujourd’hui donnant aux ambiances d’hier l’indispensable supplément d’âme par lequel le voyage dans le temps, au lieu d’un documentaire personnalisé, devient une œuvre véritable.
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