Premier bonheur de l’année : Pram publie un nouvel album. Originaire de Birmingham, Angleterre, Pram creuse un sillon sans retour, cousant, décousant et recousant le même patchwork depuis une bonne dizaine d’années, à l’instar de ceux qui, inlassablement, traviolent la musique : Les Baxter, Joe Meek, Captain Beefheart, Can, The Residents, Pere Ubu, The Fall, Flying Lizards, General Strike… On considère trop paresseusement ce groupe comme un lointain cousin excentrique, content de sa présence dans la famille mais auquel on ne prête guère plus d’attention le temps passant. La lyriciste-chanteuse Rosie Cuckston et sa bande trament leur musique -Kraut-toy-pop ?- dans la pénombre d’une chambre, constellée de jouets et d’instruments dénichés au fond d’un coffre poussiéreux, tapissée de mappemondes et de planisphères, petit théâtre grouillant de rêveries parcourues et relatées à la hauteur du regard de l’enfance, mutin et grave.
Disque le plus abouti depuis Sargasso Sea, leur claustrophobique chef-d’œuvre de 1995, Dark island, marque une étape cruciale dans la croissance du groupe. Pram a fini par délaisser le désordre de sa chambre pour rejoindre la grande salle de bal, troquant la feutrine contre le feutre. L’impression prodiguée par la photographie de pochette se confirme alors que s’échappent les premières volutes de Track of the cat : seuls les spectres se meuvent sur la piste de danse ouverte aux vents, soutenus par un orchestre sans âge. Velouteux mais louvoyant sous la surface du tissu, Dark island dévoile un savant montage de pop-songes crépusculaires, teintées d’arpèges ciselés par une ironique guitare jazzy, et d’instrumentaux odieusement cinématographiques (pas de noms ni de genres, vous devinerez…). Le chant de Rosie n’a jamais été aussi poignant, notamment sur Penny arcade, slow lynchien par excellence ; les arrangements, toujours soumis à une sévère économie de moyens, portent leurs fruits, d’une suavité vénéneuse.
Ce disque décevra probablement quelques fans hardcore mais devrait combler l’impatience des Broadcast-addicted qui n’en peuvent plus de guetter leur prochain album. Ceux qui s’y seront lovés avec délectation accompagneront Pram jusqu’à leur prochain voyage, sachant que de très belles nuits sont encore à venir… « No one teaches you how to say goodbye ».