Jonction, dix années après leur arrivée sur la scène hexagonale, de trois itinéraires exemplaires sur les chemins du jazz et des musiques improvisées : la guitare de Rémi Charmasson avait déjà rencontré la contrebasse de Claude Tchamitchian (au festival de Sorgues en 88 puis dans Caminando deux ans plus tard) et les cymbales de Jean-Pierre Jullian (Folly fun music magic, avec Charles Tyler en 1990), ses partenaires avaient enregistré ensemble avec Stephan Oliva (Novembre) un an plus tard ; une décennie d’expériences sépare ces albums de celui qu’ils proposent aujourd’hui sous la houlette de Jean-Paul Ricard, retrouvailles en treize plages placées « sous le signe de l’improvisation ».
C’est probablement l’énergie massive et magmatique des passages les plus brûlants qui séduit à la première écoute : derrière les cordes électriques foudroyantes d’un Charmasson qui n’a rien oublié de ses amours rock, Tchatmitchian et Jullian accroissent ou diminuent dans un jeu vif et intense la chaleur du volcan. Viennent ensuite des sensations moins secouantes avec des morceaux où les trois musiciens explorent en toute liberté l’interaction d’une association féconde et les possibilités de leurs instruments : cordes pincées, bruits infimes, frottements, patientes montées en puissance vers des sommets fascinants. « L’improvisation collective s’accommode mal du bricolage ou de l’approximation », rappelle Ricard dans son texte de présentation : de fait, il va de soi que l’on n’est pas ici dans le débordement non-contrôlé ; les territoires parcourus sont balisés avec une remarquable science musicale, le saut vers l’inconnu ne se fait pas dans une perspective individuelle vaguement déterminée par celles des partenaires mais en pleine conscience de la dimension collective du jeu et des horizons qu’elle ouvre. Soit un passionnant moment de musique improvisée intègre et entière, où la liberté est prise au mot sans être dévoyée.