Après 1999 Madeleine, Laurent Bouhnik continue sur la lancée de son ambitieux projet : réaliser une trilogie dont le fil conducteur serait le portrait de femme. Avec 24 heures de la vie d’une femme, adaptation semi-libre du roman éponyme de Stefan Zweig, le cinéaste entreprend même d’évoquer le destin de trois héroïnes en un seul film, celui-ci se déroulant à trois époques différentes, au début du XXe siècle, dans les années 30 et de nos jours. Du livre de Zweig, Bouhnik a conservé l’histoire en deux temps : la folle passion de Marie Collins-Brown (Agnès Jaoui) pour un séduisant joueur croisé au Casino qu’elle va tenter en vain de guérir de son vice, puis, quelques décennies plus tard, la rencontre entre la belle Anglaise et un jeune homme à qui elle confie sa déconvenue sentimentale. A cet amour tragique, le cinéaste greffe une partie contemporaine en imaginant le retour sur les lieux de l’adolescent devenu vieillard (Michel Serrault) et son étrange nuit passée en compagnie d’une jeune fille un peu paumée (Bérénice Béjo). Plus que l’interaction artificielle entre les trois temps du récit, c’est surtout l’atmosphère surannée du film qui séduit avec ce pari quelque peu improbable mais singulièrement réussi de recréer le lustre de la Côte d’Azur d’antan, avant que la folie du béton ne défigure cet ancien coin de paradis.
Curieusement, 24 heures de la vie d’une femme devient autant, sinon plus, le portrait d’un homme que d’une femme. L’histoire de Marie Collins-Brown nous est en effet restituée par bribes, selon les souvenirs disparates de Louis, l’adolescent qui croisa sa route. Ces flash-backs sur la jeunesse du héros sont l’occasion pour Laurent Bouhnik de créer une ambiance nostalgique tout entière fondée sur le sentiment d’une période à jamais révolue : les 15 ans de Louis comme les splendeurs de la Belle Epoque. C’est avec une élégance qui frôle parfois la stylisation que Laurent Bouhnik s’attaque à l’exercice de la reconstitution historique, ici plus sensorielle et elliptique que pieusement fidèle. Le cinéaste parvient à capter ce que l’on imagine avoir été l’air du temps sans débauche d’effets spéciaux ou recours abusif au carton pâte. Seuls demeurent le faste des tenues et des décors, et cette langueur qu’on oppose, certes un peu facilement, à la rapidité censée caractériser les années 2000. Plus efficace qu’inventif, Bouhnik s’acquitte honorablement de la conduite d’un récit très classique qui s’autorise toutefois quelques agréables moments de flou (l’errance nocturne du vieillard et de la jeune fille). Suffisant pour sauver ce 24 heures de la vie d’une femme du trop facile « rétro » viscontien période Mort à Venise.