Novo, en prenant pour thème principal l’amnésie de son personnage principal, s’ajoute à la liste des récents films obsédés par l’idée de « héros blanc » (L’Homme sans passé, La Mémoire dans la peau), chacun tentant de s’approprier ce sujet à sa façon. Si La Mémoire dans la peau ouvrait sur une re-définition de l’action-hero, si L’Homme sans passé se proposait d’inventer un monde utopique où tout repart de zéro, Novo se démarque quant à lui en choisissant l’entre-deux, une multitude de pistes possibles offertes par un tel sujet : errance, vagabondage, simple plaisir de l’inscription du personnage principal dans un présent alerte et gracile, libéré du passé et d’un quelconque attachement durable au monde.
La belle idée du film de Limosin est de transformer une assez banale histoire d’amour (Graham, un jeune Espagnol, s’éprend d’Irène, une collègue de bureau) en une multitude d’instants volés, littéralement, au Temps (chaque nuit passée avec elle est une première fois). L’amnésie de Graham a ceci de particulier qu’elle l’empêche de se souvenir de ce qu’il a fait dix minutes plus tôt. Le sujet offre une richesse infinie de potentialités narratives : opposition entre la naïveté toujours recommencée du héros (une sorte de manifeste du carpe diem, une vie au jour le jour libérée de toute pesanteur initiatique) et le monde qui l’entoure : petite amie, travail, amitiés de passage. Le film, malheureusement, se résume à une promesse non tenue, simple usine à idées sans cohérence, Limosin ne parvenant jamais à tirer le fil du récit sans tomber dans la facilité : mollesse, distension, progression toute en ruptures et re-départs qu’aucun mouvement général ou vue d’ensemble ne viennent ressouder pour donner une véritable profondeur au film.
Tiraillé entre une mise en scène très design qui cherche le style pour le style (plans de géomètre, effets modernistes lorgnant sur De Palma) et un propos finalement assez vain, Novo est à l’image de son héros, récitant visiblement un texte qu’il ne comprend pas lui-même (Eduardo Noriega). Ceci aurait pu donner au film un tranquille sentiment d’absence à lui-même, une douce désinvolture. Mais la liberté imposée par une telle volonté se trouve toujours bloquée par une sorte de fausse rigueur dissimulant la vacuité du propos de Limosin : les scènes d’amour sont à peine plus sensuelles que celles de Choses secrètes (où le surlignage professoral fait écran comme un mur), la candeur s’efface au profit d’une leçon mal récitée. L’amnésie, comme l’amour et la liberté, sont les pires ennemis du didactisme et de l’esprit de sérieux. Il faut revoir Un Jour sans fin, bel envers symétrique du film de Limosin (chaque jour une première fois), pour s’en convaincre une fois pour toutes.