La sortie d’Une Longue, longue, longue nuit d’amour est surtout l’occasion de revenir sur Luciano Emmer, cinéaste méconnu, aux films aujourd’hui invisibles, qui commença une oeuvre gigantesque et raffinée dès les années 40. Auteur d’une multitude de documentaires sur la peinture et l’art, il passa à la mise en scène de fictions dans les années 50, oscillant entre comédies (Dimanche d’août), documentaires et drames en plein âge d’or du cinéma italien. Luciano Emmer fait aujourd’hui figure de dinosaure, réalisant des films à l’âge de 84 ans et ne comptant visiblement pas s’arrêter là.
Le problème, justement, est que son dernier opus (déjà suivi par un autre, L’Eau… le feu, pour 2003) traduit assez bien l’âge de son réalisateur. Emporté par une multitude de comédiens visiblement émus de tourner pour lui (Giancarlo Giannini, Ornella Muti, Marie Trintignant, Isabelle Pasco), Une Longue, longue, longue nuit d’amour ne parvient que par bribes à toucher tant son récit simpliste (plusieurs histoires d’amour entrecroisées au cours de la plus longue nuit de l’année, le 21 décembre), son côté naïf et sa poésie surannée (Brel toutes les dix minutes) masquent difficilement le manque d’ambitions du projet. Parfois alerte, rarement captivant, le film déroule sa trame sans véritablement déplaire, mais se révèle assez poussif sur la longueur.
Il faut ajouter à cela quelques détails rancis que l’on mettra sur le compte, selon les sensibilités, de l’âge du réalisateur ou de sa personnalité lombarde (le marin qui séduit par radio une jeune étudiante et qui se révèle être un Napolitain trafiquant de cigarettes). Malgré tout, le film d’Emmer reste suffisamment aérien, comme flottant dans un espace gracile et parallèle, doucement anachronique, pour emporter la sympathie du spectateur. Mais on reste bien en deçà, quand même, des derniers films d’Ettore Scola (Le Dîner) et autres vieux maîtres du cinéma italien tels que le Cottafavi des années 80 (Le Diable sur les collines) ou, évidemment, Luigi Comencini et son Enfant de Calabre (1987).