Le véritable scandale de GTA: Vice city, finalement, c’est son prix. Proposer un add-on, même de luxe, plus cher que le jeu original, c’était relativement gonflé. Par contre, ça fait longtemps qu’on ne s’étonne plus de la provoc’ subversive et des saillies politiquement incorrectes de la licence GTA. Dans ce domaine, c’est le premier pas qui compte, et GTA:VC ne peut plus, désormais, bénéficier du monstrueux effet de surprise et du sulfureux parfum de scandale qui ont accompagné la sortie de GTA 3. D’autant qu’il ne faut pas s’attendre à de grandes réformes. Un léger décalage géographique et temporel, quelques petites nouveautés : on change d’univers mais le principe reste le même. Bonne occasion donc pour tester le pouvoir d’attraction de la série… Va-t-il vraiment au-delà du simple plaisir de la transgression ?
La réponse est oui. Mais pour être honnête, ce qui fait de GTA un must incontournable et un aspirateur de vie sociale reste énigmatique. Pourquoi un jeu aussi moche, à la jouabilité aussi bancale -les phases de shoot à pied ont été à peine améliorées et il y a encore du boulot-, fascine-t-il autant ? La sensation de liberté tant acclamée est bien réelle mais complètement factice, le déroulement du jeu étant tout ce qu’il y a de plus linéaire… On ne voudrait pas vexer les concepteurs de GTA:VC, mais il semble que les qualités du jeu dépassent largement les questions de savoir-faire vidéoludique. A l’instar de jeux comme Morrowind ou Shenmue, ce qui rive le joueur à son pad dans GTA, c’est l’impressionnante cohérence d’un univers virtuel, qui vit au rythme du temps qui s’écoule, des variations climatiques, de ses habitants au comportement encore sommaire, et de sa logique intrinsèque -ici ultra-violente, amorale et pessimiste. Qu’on plonge dans un New York de pacotille ou dans un Miami de bazar est sommes toutes secondaire. Un gameplay éprouvé, un brin de nostalgie et de junk-culture -musiques, films et séries des années 80- pour achever les plus réticents et le tour est joué : on tient un des plus grands jeux de ces derniers mois. Comme quoi, il ne faut pas grand chose.
En plus du grand ravalement de décorum, Rockstar a enrichi son concept de quelques friandises loin d’être négligeables. Plus d’armes, plus de véhicules, avec, en guise de nouveautés, des deux-roues et surtout des hélicoptères. Des missions nettement plus variées, de qualité inégale, certaines étant tout de même foutrement bien pensées. Mais c’est surtout sur le personnage principal que les concepteurs se sont lâchés. La petite frappe mutique de GTA 3 s’est transformée en aspirant-Parrain auquel Ray Liotta, LE monsieur « Goodfellas » -ou, pour les moins cinéphiles, LE monsieur « Hannibal m’a fait bouffer ma propre cervelle »- prête généreusement sa voix d’affranchi. Alors que le statut du héros dans GTA3 ne variait pas d’un iota, on peut ici bâtir un véritable empire du mal, ce qui réjouira les fans du Tony Montana de Scarface. Acheter des biens immobiliers, des entreprises plus ou moins louches, permettra à l’apprenti mafieux d’arrondir ses fins de mois. Cette ascension « sociale », même si elle dépend entièrement du bon déroulement du script, est un plus indéniable, et sans doute l’apport le plus important de cet add-on au gameplay initial. Le reste ne dépassant pas le stade de l’anecdotique.
GTA:VC prouve qu’un soupçon de roublardise peut parfois masquer un certain manque de renouvellement. Le jeu est bon dans son ensemble, discutable dans le détail, c’est un peu le lot des concepts qui cherchent à embrasser plusieurs genres. GTA n’a pas perdu de son ambition, au-delà de son opportunisme et de sa rébellion soigneusement marketée. Et c’est là que le bat blesse, on n’est pas certain que le support choisi soit le plus à même de concrétiser cette folie des grandeurs. La PS2 peine souvent à retranscrire un monde aussi vaste et détaillé : on a déjà évoqué la laideur des décors, mais l’animation pêche aussi parfois au niveau de la fluidité. Bref, ça rame un peu et ça ne réjouit pas spécialement les rétines. Faudra-t-il attendre une prochaine génération de consoles pour plonger GTA dans un bain encore plus riche et immersif ? Espérons, car on sera nettement moins indulgent et beaucoup plus exigeant quand viendra le moment de juger la véritable suite de ce grand classique de l’ère PS2.