L’adaptation d’un livre par son auteur n’est jamais chose facile, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un best seller : le risque est grand de n’obtenir qu’une version filmée de l’oeuvre littéraire, condamnée à la redondance lorsque aucun regard extérieur ne vient enrichir le support. C’est le premier piège dans lequel est tombé Dai Sijie, cinéaste chinois devenu presque fortuitement l’auteur d’un immense succès de librairie.
Balzac et la petite tailleuse chinoise est une fable autobiographique racontant le parcours sentimental et intellectuel d’un jeune bourgeois envoyé dans un camp de rééducation politique du Sichuan, et qui là-bas tombe simultanément amoureux de littérature française et de la fille d’un vieux tailleur. Au milieu des années 70, en période de révolution culturelle, Luo (un violoniste qui est un peu le double de l’auteur) et Ma, son copain de galère, sont contraints par le régime d’apprendre le travail de la terre. Face à l’ignorance crasse de leur formateur, cherchant à éradiquer en eux toute trace de culture bourgeoise, ils doivent ruser en permanence pour satisfaire leur passion commune pour la musique et la littérature. Luo face au chef du village, rebaptise un morceaux de Mozart à la gloire de Mao, et Ma fait passer les romans de Balzac pour des oeuvres pré-révolutionnaires. Cette passion pour l’art occidental, cultivée en secret, est partagée avec la jeune tailleuse, qui prend conscience de sa féminité et de ses désirs à travers la lecture de Balzac. Luo commence une liaison avec elle, sans savoir que Ma en est aussi amoureux.
En se cantonnant à la chronique d’une adolescence vécue sous le joug d’un communisme obtus, à l’évocation nostalgique d’un éveil contrarié à l’amour et à la littérature, Dai Sijie n’a pas beaucoup cherché à subsumer la matière de son livre. Il s’est contenté d’une illustration pataude et longuette, dont toute émotion cinématographique est absente. Les acteurs se débattent avec des personnages fantoches, et ne parviennent jamais à imposer leur présence. L’originalité du sujet et bien vite mise en échec par une réalisation bateau, sans audace ni énergie, figée dans une tendresse de bon aloi. Un bel exemple du style bâtard, consensuel et international fréquent dans ce genre de super-coproductions…