Harald Ziegler est la moitié des méconnus Sack und Blumm, tendres secrets gardés de la fourmillante Cologne. Exemple le plus probant : pas un disque de Mouse on Mars ou Marcus Schmickler, les deux extrémités du nerf artistique de la ville allemande, où ces deux esthètes ne font pas une brillante apparition. Pourtant, ne nous trompons pas dans la hiérarchie : Harald Sack Ziegler et FS Blumm faisaient déjà du boucan à une époque où Mouse on Mars et A-Musik étaient encore loin d’exister. On leur doit, en solo ou en duo, un nombre effrayant de cassettes, 45 tours, albums aujourd’hui oubliés. Il y a trois ans, le petit label Tomlab sortait le premier disque décemment distribué du duo, l’éponyme Sack & Blumm, et on pouvait enfin mettre de la musique derrière ce nom qui nous titillait l’oreille depuis longtemps. On découvrait un univers très atypique et très poétique de minuscules mais minutieuses compositions, jouées sur un kalimba, une guitare désaccordée ou un cor de chasse, à peine perturbées par quelques manipulations de cassettes ou de bidouilles analogiques.
Aujourd’hui, suivant son comparse Blumm de quelques mois (auteur d’un petit bijou sur Morr), « Sack » nous fait le cadeau de onze nouvelles chansons, entouré d’un incroyable all-stars de figures essentielles de Cologne. Onze parcelles de temps où il sculpte des atmosphères aux sonorités floues et rétives, suggérant des petites histoires incompréhensibles mais terriblement émouvantes, parfois explicitées par des mots (allemands) parlés ou susurrés, parfois par des mélodies naissant de textures accidentées et de ritournelles presque dissonantes. Urlauber enchevêtre crachouillis de guitare (courtesy of Josef Suchy, ancien comparse de Jan StWerner de Mouse on Mars au sein de leur premier groupe Four Square Logos) et boucle eurodance jamais accouchés. Flugbahn 2 empile kalimba lointain, synthé analogique et batterie kraut et on se croirait en 1975, dans la maison squat de Faust. Le petit synthétiseur jouet de Freundchen ou la guitare de Einsam évoquent la copine Angelika Koehlermann, et son folkwriting diaphane. Sur Das Koeln, Marcus Schmickler balance quelques samples haute fidélité, et le duo s’exécute, en public, quelque part dans l’espace. Enfin Toy tech two, inévitable sommet de l’album, rappelle Mouse on Mars à l’ordre, qui ramènent leur samples les moins prétentieux, tout juste là pour épauler les gargouillements de trompette de l’ami Blumm.
Pop floue et arty, poésie sonore illustrée par de petites ritournelles enfantines, l’art à entendre de Harald « Sack » Ziegler, écartèle la musique pour lui donner des formes absurdes mais magnifiques. Tout ceux qui se sont un jour extasiés sur les chansons littéraires et poignantes de Tarwater feraient bien de jeter une oreille sur la musique de leur maître caché.