Possession est un film-équation. Maud (soit A) travaille sur l’oeuvre d’une obscure poétesse victorienne (Christabel LaMotte, soit X). Roland (soit B) réalise quant à lui une thèse sur l’illustre écrivain Randolph Ash (soit Y). Lorsque B découvre que X a connu à l’insu de tous Y, il court porter la nouvelle à A. A + B partent alors sur les traces d’X + Y. Rapidement se vérifie l’hypothèse suivante : A + B = X + Y, soit une longue initiation amoureuse par sublimations littéraires interposées (A – X / B – Y).
La folie de Possession tient dans sa façon de plier chacun de ses éléments à la régence d’une grande banque de données rationnelles et mathématiques. La poésie, ici, devient une sorte de bric-à-brac fabuleux capable de boucher trous, chaînons manquants et inconnues du récit. Lorsqu’un personnage vient à bloquer (littéralement bugger) devant un problème insoluble, il sélectionne immédiatement le vers correspondant. Exemple : A cherche une lettre décisive écrite par X à Y. Elle se remémore une poésie de X et trouve la solution : « Le silence de sa poupée est la meilleure confidente de X » (ou environ égal à ça). Le lettre se trouve dans une poupée trouvée au plan suivant. Plus tard, on cherche un passage secret. Un vers de Y parlant d’un paysage miraculeux, de fontaines et de vertes prairies, ouvre subitement la porte bleue : le passage se trouve derrière une fontaine trouvée comme par enchantement. Possession est le film de la réconciliation définitive entre matheux et lettrés, il ouvre un champ infini de correspondances entre rationalisme cartésien et ésotérisme opiomane. Tout s’y résume à une sorte d’aventure fluide et apaisante dans un immense champ de signes acidulés et d’enchaînements programmés à la manière d’un RPG à l’eau de rose.
Sorte de marelle romantique évoluant avec naïveté dans un espace méthodiquement planifié (le problème et sa solution, la poésie comme grille de lecture et matrice du monde), Possession théorise une fois pour toutes le fond de commerce du ventre mou hollywoodien : une dévitalisation progressive du récit dont l’aspect doucereux et rassurant est inversement proportionnel à son pouvoir de fascination et de mystère. Possession est finalement trop malhonnête pour être méchant. Pas un bon film mais un film gentil, au sens médical du terme.