Devenue quasiment incontournable dans le paysage du cinéma franco-européen (Chabrol, Ruiz, Ozon, Haneke pour ne citer que ses dernières collaborations), Isabelle Huppert aurait très facilement pu succomber aux sirènes d’une carrière « bon chic bon genre » et piocher tranquillement parmi la pléthore de cinéastes reconnus qui ne demandent qu’à la diriger. C’est donc non sans un certain plaisir qu’on la retrouve en héroïne borderline chez ce fou de Werner Schroeter (Deux, sortie en novembre 2002) et ici dans l’univers lyrico-kitsch d’Olivier Dahan. Loin d’approcher le niveau d’excellence de ses prédécesseurs, le film du jeune cinéaste permet toutefois à Isabelle Huppert d’exposer brillamment son talent puisqu’on ne voit à ce jour qu’elle pour être capable de sortir indemne d’une telle expérience, le ridicule de l’entreprise prenant tout du long le pas sur le sublime recherché… Jeune prostituée (on y croit car le lifting de la belle Isabelle est particulièrement réussi), Sylvia est obligée de fuir de Nice embarquant sa fille avec qui elle entretient de douloureux rapports. S’en suit un road movie en région Rhône-Alpes au cours duquel les deux femmes feront la connaissance de Joshua, un beau ténébreux chargé de convoyer des Mercedes volées (Pascal Greggory en caricature de lui-même).
Voir Isabelle Huppert en marâtre désabusée, le rimmel dégoulinant, en train de cuver son Jack Daniels dans un champ en bordure d’autoroute vaut, c’est vrai, le coup que l’on se tape les rêveries rose bonbon de cet esthète de Dahan. Car le réalisateur, réputé pour son indéniable sens de l’image, pousse ici le bouchon trop loin, étalant avec un soin naïf une série de jolies vignettes surchargées par l’omniprésence d’une nature flamboyante. Perdus dans ces floralies un peu tocs -dont la présence signifiante égale celle des compositions d’un catalogue Interflora-, les héros de La Vie Promise n’ont pas d’autre choix que de se laisser aller au jeu de la surenchère permanente. Poses affectées, dialogues faussement énigmatiques, musique pompeuse sont censés souligner l’errance psychologique de personnages torturés « en quête d’eux-mêmes » -soit un sujet bateau qui peut vite virer à l’impasse pour peu que la mise en scène ne colle pas aux ambitions du projet. Avec La Vie promise, c’est un peu le contraire qui se passe puisque c’est justement à force de prétention obtuse (la belle image et le beau moment tout le temps) que le réalisateur leste son film d’une afféterie indigeste.