Ici et là, on nous reproche d’avoir été injustes avec monsieur Raynal dans notre supplément littéraire (cf. Chro #6) : nous aurions négligé de parler de son livre pour lui régler son compte -attaque personnelle qui se justifie essentiellement par le fait que Chronic’art aurait fait voeu d’allégeance à Maurice G. Dantec et chercherait à démolir son éditeur (cherchez la logique…). On nous a donc conseillés : 1 – de rappeler que sans son activité d’éditeur, personne ne publierait Patrick Raynal (ce qui n’est pas certain puisque tant de mauvais livres trouvent leur place dans des catalogues par ailleurs respectables) ; 2 – de ne pas dire (mieux : de ne pas penser) que son travail à la tête de la Série Noire est déplorable et qu’il consiste pour l’essentiel à enfermer le polar français dans des carcans idéologiques dépassés. Mais nous n’irons pas jusque-là, soyons honnêtes et occupons-nous que du livre.
Ex, donc, dix-septième opus de monsieur Raynal, nous raconte comment un ex-révolutionnaire vivant presque en reclus comme gardien de phare est débusqué par son ancien chef de groupe qui le charge de répartir 2 millions de francs (un butin de guerre offert à l’époque par Mao pour soutenir les forces de résistance sur le sol français) entre les anciens membres du groupe. Accessoirement, il s’agit de repérer parmi ces anciens combattants le traître qui a fait échouer leur rêve de grand soir. Voilà pour l’histoire (on ne dira pas que le livre n’a pas été lu, c’est toujours ça).
Maintenant, on pourrait dire que cette petite recette fournit un régal pour les gourmets, mais on l’a plutôt reçue comme un brouet infâme. Outre les stéréotypes et les clichés qui se ramassent à la pelle (mais c’est la saison), comme le montre le résumé succinct qui précède, on pourrait évoquer le style Raynal. Des comparaisons hasardeuses, un vrai sens de la formule éculée, une aptitude à asséner des vérités pontifiantes et une capacité phénoménale de mauvaise foi et d’aveuglement sur lui-même -c’est ça la Raynal’s touch ! On aimerait pouvoir dire que Raynal regarde derrière lui et règle sans complaisance les comptes de ses années maoïstes. Mais on a trop lu de polars français pour ne pas s’apercevoir du systématisme de la méthode, de son manque absolu de profondeur et de sincérité. Dans le milieu du polar, on cultive par écrit la nostalgie d’une jeunesse militante et sincère qu’on trahit par les actes.
Et, puisque Jean Paul, ce philosophe allemand que nous citions à la fin de la notule, n’a pas fait l’unanimité, nous citerons donc Patrick Raynal : « T’es chiant… Commande plutôt du champagne ! »