Egocentrique, solitaire et talentueux sont généralement les adjectifs qui viennent à l’esprit lorsque l’on évoque le nom de Vincent Gallo. Ce sont peu ou prou les qualificatifs que l’on peut apposer à ce recueil de musiques de films, enregistrées depuis 1979. Bien plus qu’elles ne démontrent le côté avant-gardiste et novateur savamment cultivé par VG, une manière narcissique de dire « j’étais là avant tout le monde », ces compositions révèlent surtout un sens de l’équilibre inné, exercice de voltige, que passe avec classe l’artiste.
La B.O. de The Way it is, improbable conte urbain, soit Orphée transposé dans le New York new-wave, rappelle que les notes solitaires et les instruments minimalistes au possible peuvent exprimer beaucoup plus qu’un déluge symphonique, ce qui était le lot d’une majorité de bandes originales, du moins il y a encore une vingtaine d’années. Les quinze compositions de The Way it is appartiennent ainsi autant au jazz funambule qu’aux expérimentations arty, vignettes de poche d’un événement mélodramatique à venir. Elles font aussi bien penser à Fred Frith qu’à Chet Baker. Entre improvisation mélancolique et contemplation acoustique, ces quinze dérives rappellent en outre que New York constitue un environnement créatif unique au monde.
En 1988, VG enregistre, toujours tout seul, ce qui deviendra la bande originale de Buffalo 66 neuf ans plus tard. Les ambiances monochromes n’ont guère changées, si ce n’est la présence d’un filet de voix fluette et seule au monde, comme le laisse entendre l’éloquent Lonely boy ou bien les titres aussi exquis que précis de ces compositions mélancoliques plus belles les unes que les autres.
Des extraits de Downtown 81, avec toujours cette fascination récurrente pour le nom « Brown », et de If you feel groggy jump complètent cette fascinante visite à travers les arcanes d’une oeuvre intense. « Quand la légende devient réalité, alors on imprime la légende ». Reste maintenant à rééditer le mythique album de Bohack et les raretés de Gray, avec Jean-Michel Basquiat, pour pleinement couronner Vincent Gallo, roi des iconoclastes géniaux depuis son classique When publié en septembre 2001.