Ce qu’il y a d’agaçant avec l’équipe Capcom c’est qu’à force de répéter le même schéma survival-horror jusqu’à la nausée, elle devrait tout de même finir par nous pondre un chef-d’oeuvre. Eh bien, non. Tout au plus, on le frôle, sans jamais vraiment y parvenir. Peut-être parce que le chef-d’oeuvre existe déjà, qu’il était là, dès le départ, dès le premier Resident evil… Il n’y a qu’à se pencher sur le remake de cet épisode séminal sur GameCube : c’est du réchauffé et pourtant il reste toujours quelque chose qui touche au sublime, comme si tout était dit dès le début. L’oeuvre de Capcom dans ce domaine se réduit finalement à un réseau de clones, plus ou moins réussis, et qui se nourrissent entre eux, se repaissent des rares améliorations et nouveautés qui justifient l’apposition d’un énième numéro derrière le nom d’une licence, de Resident evil à Devil may cry en passant par Dino crisis. Onimusha 2 ne déroge pas à la règle. Après avoir joué les brouillons pour DMC, le voilà qui lui repique quelques idées au passage. Un juste retour des choses en quelque sorte.
Pour autant, une fois de plus, Onimusha 2 ne fait que frôler la perfection. Ca démarre fort avec une cinématique époustouflante montrant les divers protagonistes du jeu sur une improbable scène de théâtre. Puis c’est l’arrivée du nouvel héros, Jubei, le successeur de Samanosuke, dont la physionomie a été intégralement calquée sur Yûsaku Matsuda, acteur nippon culte et décédé. Ce fils d’un samouraï et d’une femme-démon l’a mauvaise : l’indestructible shogûn Nobunaga a totalement saccagé son village natal à l’aide de son armée de créatures infernales. L’heure de la vengeance a sonné… Jusque là, tout va bien. Ce qui faisait défaut au premier opus, une véritable ambiance nippo-médiévale, est exploitée à merveille dans la première heure de jeu. On plonge avec délice dans une ambiance à la Kurosawa à peine gâchée par des voix anglaises -une idée complètement conne. On apprécie les nouveautés de gameplay : un petit côté RPG avec un village très folklo faisant office de « hub » (stage central qui donne accès à tous les autres niveaux de jeu), et des compagnons de route qu’il va falloir amadouer en leur offrant divers objets. Pour un peu on se réconcilierait avec l’éditeur. C’est presque le jeu d’action-d’aventures dont on a toujours rêvé. La réalisation est, de plus, à tomber par terre, malgré son principe vieillot -décors précalculés et persos en 3D temps réel. C’est du grand art sur PS2, tout juste dépassé par le Resident NGC. Bref, c’est l’extase.
Sauf que le plaisir ne dure pas éternellement. Incorrigible dès lors qu’il lui faut ressasser ses sales tics récurrents, Capcom commet rapidement plusieurs erreurs et fautes de goût. La première c’est de faire revenir le héros dans le château du premier opus -à l’instar du retour dispensable au commissariat de RE2 dans RE Nemesis. La deuxième c’est de tomber dans le n’importe quoi scénaristique avec des incursions déplacées dans la SF ou le fantastique de roman de gare. Pourquoi ne pas avoir osé le jidaigeki pur et dur, avec quelques allusions aux mythes japonais ? A cause de la logique de la suite ? Par peur ? Par flemme ? Sans doute par manque de goût… Et c’est rageant. Parce que lorsque Onimusha 2 se cantonne à son ambiance historique, ses « clichés » sur le Japon féodal, il fait preuve d’une rare maîtrise esthétique, complètement ruinée par des chevaux robots (!), des grenouilles géantes (!!) et des démons efféminés (!!!).
Si pour cette fois, les nombreuses qualités du soft font oublier les errements habituels de l’éditeur et la répétitivité d’un principe qui commence sérieusement à gaver, on finit tout de même par se demander si cette persévérance a un quelconque intérêt. Onimusha 2 est sauvé par ses fulgurances kurosawaiennes, une réalisation impeccable, les efforts fournis par le distributeur pour offrir une localisation quasi nickel (un mode 60Hz, contrairement à l’épisode précédent). Mais il serait tout de même temps de passer à autre chose…