S’il est un, un seul groupe anglais qui n’a pas déçu ces dernières années, il s’agit bien de Supergrass. Un premier album (I should coco) prometteur et pêchu juste ce qu’il faut, un deuxième disque (In it for the money) dans la continuité du premier, en mieux puisque c’était le deuxième essai (et on ne plaisante pas chez ces jeunes gens là, de vrais bosseurs). Puis vint le troisième album, éponyme, et le léger tournant (le virage à 90° était inutile vu la qualité de base) que prit le groupe de Gaz Coombes. Moins rock, plus soul. De grosses basses rondes et généreuses venaient chatouiller les mélodies alors plus « matures » de Supergrass. Life on other planets, le quatrième et nouvel opus des gars d’Oxford vient se placer entre les deux premiers et le troisième album, encore un tour de passe-passe … Moins « évident » que ceux-ci, plus abordable que celui-là, cet album a tout du joli compromis que seul un groupe devenu sage (qualité ou défaut ?) peut entreprendre.
Za, titre un peu attendu mais clinquant, entame ce moment de bonheur en jouant de ce que les Supergrass savent faire depuis toujours : des mélodies évidentes sans jamais être racoleuses, et une rythmique qui hésite toujours entre rock et soul. La machine est lancée. Life on other planets a ceci de différent des précédents disques tout de même : la voix de Gaz Coombes va plus souvent chercher dans les graves qu’à l’accoutumée. Ca dérangera sans doute bon nombre d’auditeurs, pour qui l’atout maître du groupe était l’organe vocal souvent haut perché du Gaz, venu d’on ne sait où. Mais ce petit changement de direction rend les choses peut-être un peu moins faciles pour le public acquis, ce qui n’est pas plus mal. Nous ne sommes pas ici dans la prise de risque (intéressante ou pas, c’est un autre débat) de Radiohead qui se transforma jadis en un autre groupe. Néanmoins, l’évolution du registre de la voix est marquante sur certains morceaux (Can’t get up, Funniest thing). Tant mieux. Grace, le single, recèle à peu de choses près la même énergie que Caught by the fuzz ou Richard III en leur temps.
Pour ce qui est du fond, c’est ce côté entre plaisanterie et sérieux -donc, dans le cas présent, un mélange entre cynisme et pudeur- qui anime une fois de plus le groupe. Un peu à la manière des Pixies il y a maintenant quinze ans, n’ayons pas peur des superlatifs… Bien que dans un registre différent, la comparaison de fond entre les deux groupes est justifiée par l’élégance, la folie douce et l’inventivité débridée dont font preuve -à des époques différentes, donc de manière asymétriques- ces deux groupes. Espérons simplement que Gaz Coombes, à l’instar de Black Francis, n’ira pas faire une carrière solo dans quelques temps, le rock et la pop ont encore besoin de héros.