Prenant conscience de la médiocrité de son existence, Truman Burbank réalise que sa vie entière est une invention destinée à satisfaire les spectateurs du show dont il est le héros involontaire. A partir de ce postulat très intéressant, Peter Weir réussit la gageure de rater son film. Car si le scénario de Truman show ouvrait une voie royale pour parler de cinéma, la réalisation de Peter Weir, elle, s’obstine à regarder la télé vautrée sur un canapé en Skaï, le paquet de chips à la main.
Le réalisateur du Cercle des poètes disparus a en effet pris le parti de nous mettre dans la peau de l’un des spectateurs du show, donc dans la masse qui (et c’est le comble de la maladresse) est justement critiquée ici. Ainsi cette mise en scène permet à Weir de multiplier des effets qui se voudraient fins et judicieux alors qu’ils ne sont que stupides et systématiques (la caméra crayon, la caméra radio, la caméra miroir, la caméra rétroviseur…). Néanmoins, le scénario d’Andrew Niccol (déjà auteur de Gattaca) arrive à survivre à ce traitement particulièrement violent, et le film ne sombre pas totalement après sa malheureuse collision avec l’iceberg Weir. La trame est assez originale bien qu’en partie empruntée à Philip K. Dick (Le Temps désarticulé) et permet de maintenir une certaine attention tout au long du film. Il reste la frustration de le voir se finir là où peut-être il aurait dû commencer. Car l’évasion de Truman ne présente que peu d’intérêt comparée à ce qu’aurait pu être sa confrontation avec le monde réel, bien moins idyllique et réconfortant que celui de la fausse fiction.
Même si le film présente une critique de l’énorme influence de la télévision, il ne se permet pas de frapper trop fort sur la main qui le nourrit, et ainsi, ne va pas au bout de son sujet. Mais que pouvait-on espérer d’un produit directement créé par la Paramount, soit l’un des plus fortunés studios actuels, et sûrement propriétaire de plusieurs chaînes aux Etats-Unis ? On essaiera de se satisfaire des restes digestes du film.