1999 : Game over. Cette petite galette produite sur une microstructure tombe comme par hasard… Le disque porte sur sa pochette un sticker exhibant le champignon magique de Mario Bros. Derrière ces allures d’autoprod happy-house pourrie, ce disque contient pourtant le titre de rap français le plus ovniesque jamais entendu jusqu’à présent. Sur des beats calibrés produits par Dj Flash Gordon, trois cinglés déblatèrent de manière psychotique sur les prédilections de Paco Rabane, tout en nous racontant au passage quelques crapuleux concours de plans cul… TTC est arrivé dans la scène indépendante du rap français. D’un maxi à l’autre, le trio se forge une réputation et collectionne les collaborations live avec plusieurs pointures (Roots Manuva, Gonzales, Techno Animal…). Une bonne série de Ep réussis valent mieux qu’un album bâclé. En trois ans, les TTC ont tout simplement préparé le terrain de manière sereine.
Niveau production, le calibrage bien serré de ce premier album impressionne tout d’abord. Si effectivement il s’agit de leur premier opus, le trio est assez bien rodé pour ne pas tomber dans un premier essai maladroit de jeune groupe. Aucune volonté de synthétiser l’esprit émanant de leurs précédents singles. Ceci n’est pas un disque est abordé par le groupe comme une nouvelle étape, un passage au format long. Seul leur esprit frais et décalé (au rap français et à l’écriture) persiste d’un bout à l’autre de la galette. Franchement discordant à certains détours, l’album nous dévoile une série d’influences musicales chères à TTC dont on ignorait l’existence jusqu’à présent. Dès l’ouverture du disque, une série cut & pastes frénétiques oscille entre guitares électriques, explosions granulaires et répliques absurdes au vocoder. Le tout sur des break hip-hop avant-gardistes, qui laissent croire que cette production est l’oeuvre d’un Prefuse 73 totalement bourré. Les 3 Mcs arrivent alors pour balancer leurs textes proches de la démence (« Concours de pyjama mental, c’est en caisse que j’attache les MC’s pour faire des crashs Tests… »), déployant ainsi un humour bien cynique face à la scène hip-hop française. On passe ensuite à Je n’arrive pas à danser, où les rythmiques saccadées et les déversements de synthés analogiques confirment l’attrait du trio pour le son électronique. L’un des plus aboutis des titres reste clairement De pauvres riches, morceau sur lequel un haut bois placide est agrémenté de samples censément tirés des fesses d’une poule malade… On tombe dans l’extrême du concept musical de TTC sur des morceaux d’électronique abstraite comme En soulevant le couvercle (du Boards of Canada sous héroïne) ou encore Pas d’armure sur lequel figure Dose One (du collectif Anticon). D’un titre à l’autre, l’auditeur est transporté dans un univers instrumental surréaliste ; sa conscience est sans cesse bombardée par des paroles absurdes et à double sens. Du pur plaisir, une matière musicale informe et aujourd’hui unique au sein de la scène française. Evidemment, certain n’arriveront pas à encaisser ce traitement sur 12 titres. Mais à choisir entre un hip-hop cérébral novateur et un rap pré-formaté produit au kilomètre… les TTC ont clairement choisi leur voie.