Inspiré de faits soi-disant réels relatés dans le livre éponyme du journaliste John A.Keel, La Prophétie des ombres marque l’entrée d’une nouvelle créature dans le bestiaire des films fantastiques, le « Mothman ». Sorte de chauve-souris géante, manifestation extra-terrestre pour certains, le « Mothman » aurait bouleversé dans les années 60 la vie de Point pleasant, paisible bourgade de l’Ohio qui fut la victime d’une série de phénomènes paranormaux dont le point culminant fut l’effondrement du pont de la ville sans qu’aucune cause de cette catastrophe n’ait jamais été trouvée. Transposée par Hollywood, cette histoire aurait pu donner lieu au pire melting pot des phobies et délires US avec des Roswell en latex débarquant en ville et un alien bien dégoûtant exterminant un à un les habitants. C’est heureusement un tout autre traitement qu’a choisi Mark Pellington. Même si l’on retrouve dans le film les marottes du réalisateur, ex-clippeur pour MTV, le sujet de La Prophétie des ombres semble bien mieux se prêter à son goût pour les afféteries visuelles que son précédent film, Arlington road alias « mon voisin est un terroriste ».
On ne verra ainsi jamais vraiment le fameux « Mothman » car Mark Pellington préfère laisser planer le doute sur sa véritable forme et, si l’on pousse le raisonnement plus loin, sur son existence. Aperçue lors de brefs flashs ou représentée par les victimes dans de terrifiants croquis, la créature est la plupart du temps appréhendée sous un angle symbolique, comme par exemple la prédominance de la couleur rouge dans de nombreux plans. Evidemment, le procédé est facile, un rien naïf, mais des mini-clips horrifiques concoctés par Pellington émergent quelques fois des images véritablement effrayantes. Surtout, le cinéaste ne joue pas la carte de la surenchère et ne craint pas de laisser traîner sa caméra dans le bled paumé où se déroulent les événements, s’attardant sur ses habitants avec une attention assez rare dans le fantastique. Pas vraiment crédible (on a du mal à croire au pitch de l’affiche « basé sur des faits réels »), éminemment hollywoodien (Richard Gere aux pays des bouseux, l’inévitable catastrophe finale), La Prophétie des ombres n’en demeure pas moins un honnête thriller horrifique avec ce qu’il faut de style pour échapper au sentiment de déjà vu.