Elle est grosse, moche, et personne n’en veut, à part quelques moustiques mélomanes et moralisateurs : c’est la Xbox. Pourtant, nous, on l’attendait de pied ferme, ne serait-ce que pour la suite d’un des jeux les plus cultes de la « défunte mais pas tout à fait quand même » Dreamcast, Jet set radio (JSR). Manifeste branchouille-hip-hop, mix improbable entre simu-light de rollers à la Tony Hawk et de graffitage à la « musicals », JSR fut, sans doute, le jeu qui popularisa et magnifia le cell-shading. Depuis, ce procédé qui consiste à appliquer des contours sur des polygones pour émuler un look cartoon 2D a été utilisé à toutes les sauces. Le cell-shading, c’est branché, ce n’est pas Miyamoto et son controversé « Cell-da » qui viendra nous contredire.
Rendons à Sega ce qui appartient à Sega, le seul avatar cell-shaded qui puisse aspirer à un minimum de crédibilité, c’est bien le sequel de JSR, Jet set radio future (JSRF). Porté sur la console la plus puissante du moment, JSRF nous faisait saliver d’avance, à peu près autant qu’un ado fan de Steven Seagal devant les previews de Metal gear solid 2. Une suite qui se devait d’être plus belle, plus vaste, plus azimutée ; on pouvait craindre la déception, il n’en est rien, JSRF correspond non seulement à nos moites attentes, mais il pousse le culot jusqu’à faire partie des meilleurs jeux d’un line-up de lancement Xbox déjà plus qu’honorable.
Oublions les quelques jaggies épars qui n’étaient pas vraiment de la partie sur la version Dreamcast, JSRF va encore plus loin dans l’eye-candy que son prédécesseur. Le cell-shading ne permet pas d’énormes avancées visuelles, même sur un support techniquement supérieur… Mais à l’aide de quelques filtres lumineux divers, de motion-blurs appropriés, d’un champs de vision élargi, d’une foultitude de petits détails -badauds effrayés en pagaille, animaux en tous genre-, JSRF fait son petit effet. Constat : on est en terrain connu, et c’est tant mieux, même si l’effet de surprise du premier opus est passé à la trappe. C’est au niveau du gameplay que JSRF bouscule le plus notre nostalgie. Il s’agit toujours de foncer tête baissée sur ses rollers et de graffiter tout ce qui bouge sur une bande-son d’enfer. Mais la jouabilité a été franchement simplifiée. L’esprit hardcore-gamer a pris un sacré coup dans l’aile avec la mort de la Dream, cette fois, JSRF vise un public plus large -semi-flop de JSR premier du nom oblige ? Fini le temps limite pour boucler les niveaux et graffiter toutes les zones de tag. Plus regrettable : exit les flics sur-armés qui ne font plus que du guest-starring pendant des phases proprement délimités et distinctes. Et surtout, plus de circonvolutions tordues du stick pour exécuter les grafs : un coup de gâchette et c’est fini. On gagne en liberté de mouvement, en immersion, on perd en frustration. Pas si mal, mais le challenge paraîtra moins intéressant à ceux qui sont parvenus à boucler l’épisode précédent, ce qui était loin d’être une sinécure. JSRF se rapproche finalement de son pseudo-concurrent plus présentable, Tony Hawk, avec des séries de « tricks » -combos, airs, handplant, et autres acrobaties issues du jargon spécialisé- à réaliser pour débloquer de nouveaux tags. Les « complétistes » seront content : remplir le cahier des charges « trickesques » d’un niveau n’est pas donné au premier casual-gamer qui passe. Rayon jouabilité, le placement des caméras est nettement plus convaincant, mais le « grind automatique » peut parfois mener à la folie pure, d’autant qu’on peut grinder sur à peu près tout ce qui bouge. Il n’est pas rare de franchir les trois-quarts d’un niveau sans avoir à toucher le joypad, ce qui peut vite devenir très énervant.
On trouvera donc toujours quelques râleurs et/ou fanboys de la Dreamcast pour faire la fine bouche. Certaines modifications du gameplay sont peut-être discutables, mais JSR a véritablement gagné en maturité avec ce second opus. Durée de vie exemplaire, un mode multi-joueurs relativement convaincant et qui faisait vraiment défaut au premier épisode, des niveaux plus vastes, plus tordus… JSRF est le digne successeur du jeu « politiquement pas super correct » de SmileBit. Sega’s not dead, même chez les grands capitalistes du jeu vidéo.