« Quand je prends le microphone je raconte pas de conneries, rimeur engagé, dans cette vie de fou… ». L’intro du premier album de La Casa del Phonky nous annonce la couleur. Pas de doute avec Loco Rodriguez et Chiqui Pento, il faut rentrer dans le lard des rythmiques avec frénésie et opérer un carambolage impulsif fulgurant. Ces deux agités du micro fument sûrement de la bonne weed, mais aussi et surtout des poésies urbaines ardentes (Entra en la casa, Dans mon putain de décor…) qui ne laissent pas de répit pour l’auditoire. Sans aucun featurings (chose rare de nos jours, surtout chez les hip-hoppeurs), cette galette caillera possède un souffle chaud et une verve fougueuse, qui se marient ici agressivement pour créer des tonalités qui fracturent les instrumentaux. Puisant leurs inspirations dans une écume citadine belliqueuse, ces deux lascars couillus empruntent des chemins koolshenesque assez old-school, tout en épanchant un son proche du premier opus des féroces Psycho Realm (trio hispano-américain accueillant B-Real, le leader de Cypress Hill). Chaud devant, gros, pas de place ici pour les clebs, porcins, moutons et autres suce-pines « présidentiables »…
Au beau milieu de cette maison hantée de tueries vicieuses, une grenade résonne avec fracas : Toujours en désaccord. Avec son infra basse subtile qui roule lancinement, son mini riff de guitare captivant, on attend le flow avec envie. Le voilà qui pointe son cri, et il déchire l’encéphale. Portés par des textes bruts garnis de néologismes accrocheurs (« On naît poussière on meurt poussière, toujours en désaccord je frappe fort, tire à bout portant sur tous les mange-morts, voici venu le temps du lyrique la terror hardcore, je prépare mes bombes dans l’ombre mais à quand l’hécatombe ? Dans ce monde qui gronde, contrôlé par ses porcs immondes… »), les projectiles s’enfoncent dans le crâne et n’en sortent pas. Break, scratch, le refrain revient percuter les deux hémisphères cérébraux. Telles deux bombes humaines, deux purs produits de l’urbanisation de « cette nation en pleine dégradation », les gaillards crachent leur venin hip-hop avec fracas, Loco Rodriguez en tête. Guérilla hip-hop de gros calibre, Entra en la casa bouillonne d’une hardiesse et d’une animosité contrôlée (notamment envers les représentants de ce qu’on nomme l’Etat), parsemée d’interludes soignés qui permettent de respirer un brin. Aux côtés de leurs verves fustigées avec passion, on trouve également des slogans urbains qui font mouche à tous les coups (Pas de sentiments : « pour son confort, folie matérialiste, on éteint la flamme qui depuis toujours existe, la haine dans nos cœurs, les gens entre eux sont comme des clébards enragés, le malheur des uns fait le bonheur de ceux qui ont l’esprit restreint… »).
Ca se passe « en bas », donc, dans un underground en perdition, mais ça risque bien de (re)monter un jour à la surface et de faire brûler (la BAC ou) les bacs de l’Hexagone. Cet album (ex)pulse une fougue crue et embrasée, qui tire dans le tas à coup de flows furibonds, mais aussi de fusils à pompes à canons sciés. La grosse marmite hip-hop de la Casa del Phonky s’apprête à déverser son feu de fou furieux. Lickshot !