C’est un monstre… dont la courte preview de la version US (cf. Chronic’art #4) ne nous laissait entrevoir qu’un dixième de sa richesse. Meilleur jeu de combat jamais créé, Virtua fighter 4 s’est enfin rendu plus accessible, plus séduisant tout en gardant son aspect très technique, très pointu, concocté par cet amoureux des arts martiaux qu’est Yu Suzuki. Evidemment, on pourrait polémiquer pour la forme, se demander si la PlayStation 2 était vraiment la plate-forme idéale pour accueillir un jeu aussi monstrueux. Virtua fighter 4 a perdu quelques plumes lors de son passage de l’arcade vers la console de Sony, il faut bien le reconnaître. Textures parfois brouillonnes, aliasing souvent très prononcé ne suffisent pas à entacher une esthétique somptueuse et asiatophile, directement empruntée de l’autre grand’oeuvre de Suzuki, Shenmue. Un choix de la part de Sega forcément un peu décevant quand on imagine ce qu’aurait pu donner Virtua fighter 4 sur Xbox ou GameCube, mais un choix logique, raccord avec la volonté de démocratiser une licence jusque là très axée hardcore-gamer.
Il suffit d’aller faire un tour dans le mode Training pour appréhender l’étendue des possibilités du jeu : les personnages sont peu nombreux (13 au compteur), mais chaque combattant dispose d’une palette de coups impressionnante permettant aux gamers les plus experts de construire leurs propres combos et leur propre style de combat. Le mode Trial, quant à lui, apprendra aux débutants à se familiariser avec les bases générales d’attaque, de défense, d’esquive.. En tout, une vingtaine de leçons pour maîtriser l' »attaque de coups », les « prises », ou plus délicat, l' »esquive-esquive de lancer », la « garde-esquive » et autres techniques défensives déjà particulièrement difficiles à exécuter en Trial, encore plus ardue à placer en plein combat. En dehors des classiques « arcade » et « versus », Virtua fighter 4 propose en sus quelques innovations plutôt notables. La première, le mode AI, permet au joueur d’entraîner un personnage dirigé par le CPU en lui apprenant certains coups et combos, puis de le lâcher dans l’arène. L' »entraîneur » pourra, au cours du combat, féliciter ou réprimander son combattant virtuel, afin d’améliorer sa technique en vue d’un éventuel affrontement contre un autre « AI » créé par un autre joueur. Assez fascinant sur le papier, mais un peu trop passif dans la pratique, ce mode a au moins le mérite d’appréhender le « jeu de baston » du point de vue du « coach », une optique franchement laissée de côté chez les concurrents plus bourrins.
Mais le coeur même du jeu, c’est bel et bien le mode Kumite. Virtua fighter 4 offre la possibilité de customiser son propre combattant parmi les 13 proposés et de le faire évoluer dans une série de combats un peu à la manière d’un RPG. Le modus operandi de progression est plutôt complexe, d’abord à base de points d’expérience, puis de victoires stratégiques, il vous faudra plusieurs centaines de combats pour accéder au rang ultime (High King ou Emperor) et bénéficier de la totalité des items et nouveaux vêtements pour costumer votre poulain comme une poupée Barbie. Si ce système de niveaux n’influe jamais sur la puissance des coups ou la rapidité d’exécution, il est indispensable pour maîtriser parfaitement un personnage, apprendre ses combos les plus efficaces et les délicates manoeuvres de défenses et d’esquive. Alors que la plupart des jeux de combats privilégient la quantité en faisant passer le joueur d’un combattant à l’autre, Virtua fighter 4 préfère se concentrer sur la maîtrise d’un seul personnage et de son art martial. Un choix qui déroutera sans doute ceux qui ne connaissent que Tekken, Soul calibur et consorts, et qui seront sans doute rebutés par une technicité parfois trop poussée. Savoir manier parfaitement la totalité des combattants est un travail de longue haleine de plusieurs milliers de combats. C’est à la fois la force -pour les gamers les plus endurcis- et la faiblesse -pour les moins patients- du jeu.
Malgré ses petits défauts graphiques, Virtua fighter 4 est une petite merveille à contempler : l’animation savante des combattants -il suffit de voir Lei-Fei, le moine shaolin, exécuter ses arabesques kung-fu magnifiquement chorégraphiées pour s’en convaincre-, l’esthétique irréprochable de ses décors, la modélisation somptueuse des visages et le charisme indiscutable des protagonistes font oublier les « jaggies » récalcitrants… On pourrait peut-être lui reprocher de se contenter d’un système d’arènes carrées alors que son prédécesseur sur Dreamcast, Virtua fighter 3 TB, proposait des backgrounds nettement plus complexes et interactifs -ceux là-même qui inspireront ces vilains plagieurs de Tecmo pour Dead or alive 2. Au grand dam des puristes qui n’ont évidemment pas manqué de hurler à la trahison. Alterner arènes à « ring out » et décors sophistiqués aurait peut-être été la solution intermédiaire la plus adéquate. Peut-être pour Virtua fighter 5… Aucune raison d’en douter, venant d’une série qui, non content d’être la pionnière du genre « baston 3D, » n’arrête pas de se bonifier et vient d’accéder au succès qu’elle méritait avec cet épisode grandiose, insurpassable, addictif et d’une richesse étourdissante. Tekken 4 et Soul calibur 2 n’ont qu’à bien se tenir…