Depuis 1995, cinq prolos de la petite ville industrielle de Fagersta, en Suède, écument les bars d’Europe, avec des sets courts et teigneux, joués à deux cents à l’heure. The Hives fait du punk-rock, du garage-punk, du proto-punk, ou que sais-je de « punk » inspiré par les Stooges, les Sonics ou le meilleur du punk américain des années 70 et 80. Le temps d’enregistrer deux albums (Veni Vidi vicious et Barely legal) sur l’excellent label Burning Heart, dont deux singles qui tuent ( Hate to say I told you so et Main offender), et le groupe devient LA grosse hype anglo-saxonne de 2001-2002. Le « sexiest band in the world » avec ses uniformes noirs et blancs, ses coupes de cheveux 60’s et un chanteur mignon tout plein, fait la couve du NME, l’audimat de MTV2, des tournées sold-out aux Etats-Unis, tandis que Alan McGee, qui a toujours eu du flair pour ces choses-là, le signe sur son label Poptones.
C’est de ce disque-là dont nous parlons aujourd’hui. En fait un best of des meilleurs titres des Hives, qui commence par les deux derniers singles du groupe, deux pépites de concentré punk-rock, qu’il faut prendre comme telles : des irruptions momentanées d’extrême intensité dans la morne plaine de l’ennui radiodiffusé. Hate to say I told you so est une sorte de Search and destroy 2002, avec un gros son hard-rock, sur lequel est criée une logorrhée déconstruite et régressive, pas très éloignée du bégaiement du My génération des Who. Aussi efficace en tout cas. Main offender enfonce le clou 60’s, avec son break de batterie démoniaque, et des lyrics convaincus et convaincants, renvoyant comme prophétiquement à la popularité actuelle du groupe : « I’m on my way (…) This is my main offender (…) This is what I’ve got and it got me saying – Why me ? ». Plusieurs titres d’ailleurs questionnent ainsi l’idée du succès critique et commercial, comme si le groupe (à l’époque de l’enregistrement de ces morceaux, il était encore confiné dans les scènes mods-punks suédoises) regardait les feux de la rampe et l’échelle de Jacob de la starification avec de grands yeux écarquillés, vivant en chansons par procuration une célébrité qui finalement arrivera. Les titres sont alors une sorte de pirouette a posteriori avec un succès désiré et avenu.
Mais les thématiques principales de l’album sont à l’aune de la musique produite : révolte adolescente, jeunesse en bute à l’autorité, middle-age en conflit avec le monde du travail et la figure du patron (caricaturé goulûment à plusieurs reprises). Un monde manichéen et comme issu d’un film de John Waters ou d’un docu sur Canal Jimmy où les méchants sont les vieux et où les jeunes sont violents mais gentils, au fond. On y parle aussi souvent d’inadaptation, de folie, d’idiotie. Et l’histoire du rock l’a vérifié bien des fois : les idiots sont souvent géniaux. Punk-rock, hard-rock, métal, la musique des Hives est enthousiaste, sans distance, puissante, premier degré, énergique, primaire. Mais aussi spontanée et enthousiaste. The Hives n’est pas seulement un « coup » des médias, c’est aussi un vrai groupe de rock’n’roll, avec tout ce qu’il y a d’authentique et de stupide dans cette notion. Les écouter ne relève pas toujours du suivisme. On peut aussi y prendre plaisir. Les défendre ne relève pas forcément de l’opportunisme. On peut aussi avoir envie de défendre le plaisir. Faites-vous plaisir, écoutez The Hives.