Le récit de Peppermint candy s’articule autour d’un principe narratif déroutant : une succession de flash-back remontant progressivement dans le temps. L’histoire du film est celle de Yongho, jeune homme aux allures de zombie qui, lors d’une séquence d’ouverture particulièrement cruelle, se jette sous un train après avoir rejoint une bande d’amis au cours d’un pique-nique de retrouvailles. Peu à peu, Peppermint candy enclenche sa mécanique inexorable : retrouver l’origine et les causes de ce geste foudroyant.
Le mouvement à rebours du film ramène à l’essence même de la notion de mélodrame : par ce procédé de retour « impossible » vers le passé, Yongho s’humanise peu à peu jusqu’à trouver une improbable rédemption. En revenant à l’origine de sa longue déchéance (une femme aimée, puis le départ pour l’armée et une succession de désillusions familiales et professionnelles), Peppermint candy actionne le rêve d’un impossible retour en arrière, déconstruisant un à un tous les mécanismes permettant à un corps de cinéma (l’ombre du début) d’exister et de naître à l’écran (le visage empli de soleil qui pleure lors de la scène finale). L’humanisation progressive de Yongho suit le courant impassible de la réalisation très froide de Lee Chang-dong. Alors que la première partie nous montre un Yongho fantomatique et cruel (policier sadique et désespéré, mari violent), la seconde laisse percer toute la fragilité du personnage : jeune photographe qui s’éprend d’une femme lors d’une promenade entre amis ou simple soldat fragile et maladroit au cours d’une nuit de massacre baignant dans des lueurs d’apocalypse.
La force du film tient dans sa façon de suivre le cours de l’histoire de la Corée (depuis la dictature et les massacres qu’elle a perpétrés) sans jamais verser dans la démonstration didactique. La déchéance de Yongho, c’est celle d’un pays tout entier voué aux affres d’une politique autoritaire et destructrice. Lors d’une scène sublime, Yongho le soldat tue accidentellement une jeune lycéenne. Cette fracture, véritable épicentre du film, fait basculer le film dans une insondable tristesse. Avec elle, Yongho devient véritablement humain. Par ce procédé simple de mise en corps progressive du personnage dans le film, Peppermint candy s’ouvre à la grâce et s’emplit d’une émotion béante donnant à voir cela : la lente gestation d’un mélodrame qui, de trop grand et trop large pour les personnages qui s’y meuvent (les grands lieux désaffectés du début), devient peu à peu un espace d’intimité et de proximité avec le spectateur.