Fort du succès public et critique de ses deux derniers opus (Erin Brockovich et Traffic), Steven Soderbergh peut se permettre de réunir les plus grandes stars du moment pour ce remake d’un film éponyme datant de 1960. A l’époque c’était le « Rat Pack » Frank Sinatra, Dean Martin et Sammy Davis Jr. qui tenait le haut de l’affiche, cabotinant jusqu’à faire oublier l’intrigue de base : Jimmy Ocean réunit une troupe d’as de la cambriole pour braquer les trois plus gros casinos de Las Vegas. 40 ans plus tard, Clooney prend élégamment la relève de Sinatra dirigé par un Soderbergh toujours aussi efficace.
Ocean’s Eleven parvient en effet à réunir en son sein divertissement populaire et point de vue personnel du cinéaste par le biais d’une réalisation à la fois dynamique et stylée. Il serait ainsi dommage de ne considérer ce long métrage que comme une énième variation sur le film de braquage. Même si tous les ingrédients sont réunis suivant la chronologie inhérente au genre -la préparation puis le déroulement souvent riche en rebondissements du fameux casse-, leur agencement aléatoire laisse à supposer que l’aspect technique de l’histoire n’intéresse finalement que très peu Soderbergh. Réputé impossible, le braquage qui occupe Jimmy Ocean et ses congénères ne réussit que par un enchaînement incroyable de coups de chance, mettant en cause par là même la vraisemblance de l’entreprise. C’est alors moins la virtuosité des méthodes employées -assez classiques puisqu’elles réunissent exploits physiques et pyrotechniques- que l’art du « mensonge » des protagonistes qui prime dans Ocean’s Eleven.
Soderbergh a d’abord compris que le succès de ce genre de film réside en grande partie dans le charisme de ses interprètes. Même si les grands noms surnagent évidemment de l’ensemble -mention spéciale à Andy Garcia particulièrement convaincant dans le rôle du méchant de service-, Ocean’s Eleven tient surtout à l’énergie qui se dégage de la réunion de ses interprètes principaux. Soderbergh remet au goût du jour le film de groupe style Les Douze salopards d’Aldrich et prouve une nouvelle fois qu’il est un formidable directeur d’acteurs. Le cinéaste se sert ainsi de son casting all stars pour apporter un souffle nouveau au genre qu’il fait reposer en grande partie sur les mascarades successives de ses interprètes. Appréhendé sous l’angle d’un vaste décor de théâtre, Las Vegas avec ses ornementations illuminées et ses rêves de carton pâte s’avère le cadre parfait pour le jeu de faux semblants auquel nous convie Soderbergh. Tout entier fondé sur le bluff -voir la scène clé de la partie de poker au début du film-, le braquage apparaît avant tout comme une affaire de panache, scintillante métaphore de la capacité des acteurs à transformer à l’envie une encombrante réalité …