Ni copie, ni pastiche, cette relecture de quelques-uns des plus grands succès du célébrissime Quintette du Hot Club de France (créé en 1934 sur la base de l’association fondée deux années plus tôt, il devint rapidement, avec Stéphane Grapelli et Django Reinhardt en double pilier magique, le porte-étendard à cordes du jazz hexagonal) permet de vérifier combien profondes sont les racines tsiganes de la personnalité musicale de Biréli Lagrène, qu’on désignait déjà lors de l’enregistrement de ses Routes to Django inaugurales, en 1980 (il avait alors… quatorze ans), comme l’héritier privilégié du génie belge. Ses abondants détours postérieurs en territoires fusion et jazz-rock, qui l’amenèrent à électrifier sa guitare (voire à troquer sa Fender pour une guitare-synthétiseur) et à radicaliser un jeu volontiers agressif et ouvert aux effets rock, presque toujours convaincant, ne l’ont pas pour autant éloigné de premières amours auxquelles il revient sans nostalgie et au service desquelles il met une impressionnante technique, acquise au fil d’années éclectiques.
« On savait, depuis longtemps, que Biréli Lagrène n’en avait pas fini avec Django », affirme ainsi Max Robin dans ses notes de pochette, observant aussitôt que ce sont les faces les moins connues de la discographie reinhardtienne que nous invite à découvrir l’ex-jeune prodige érudit, qui s’impose de fait dès les premières mesures du « Blues Clair » et jusqu’à celles, finales, d’une version abrégée de « Daphné », comme le guide idéal. Le swing est irréprochable, le voyage fidèle mais ludique (d’abondantes citations de soli originaux), la compagnie au diapason : Holzmano Lagrène et Hono Winterstein (guitares), Diego Imbert (contrebasse), l’éblouissant Florin Nicolescu (violon) et Richard Galliano (accordéon en guest-stard habilement discrète) partagent avec le leader une même connaissance de l’oeuvre de Django Reinhardt et, au-delà, un même amour – sans parler de talent – pour le jazz manouche. Le « project » du titre, qui semble vouloir propulser vers demain cet héritage dont est issu le guitariste alsacien, illustre la fraîcheur de ce retour à une tradition qui, grâce à lui comme à d’autres, conserve toute sa vivacité.