Scénario brillantissime, réalisation virtuose, Vanilla sky va en épater plus d’un. Sans aucun doute cette édifiante histoire d’un golden boy à qui tout réussit jusqu’au jour où il se retrouve défiguré suite à un dramatique accident de voiture (défiguré est un bien grand mot ; il s’agit tout de même de Tom Cruise, on est donc bien plus proche des séduisantes estafilades d’un Joffrey de Peyrac que de la laideur repoussante d’un fantôme de l’opéra…) va ravir les fans de la star ainsi que les aficionados de thrillers cérébraux tirés par les neurones. Tout va donc pour le mieux dans cette chronique d’un succès annoncé sauf que l’on ment « légèrement » sur la marchandise.
Vanilla sky n’est en effet que le double peu inspiré d’un film qui l’est bien plus, Ouvre les yeux d’Alejandro Amenabar. Certes, le film n’a jamais caché son statut de remake mais là où sa productrice Paula Wagner parle de « réorchestration de la partition originale » dans le dossier de presse, on ne peut s’empêcher de voir plutôt une photocopie pure et simple. Même actrice principale, Penélope Cruz (une fausse bonne idée, jouant dans une langue étrangère la Cruz n’arrive jamais à renouer avec le naturel de sa première interprétation), dialogues littéralement recrachés, scènes reproduites à l’identique jusque dans la gestuelle des interprètes ; les ressemblances entre les deux films sont flagrantes. En lui-même ce mimétisme n’est pas critiquable ; il a permis à Gus Van Sant de réaliser un clone conceptuel plus que troublant de Psychose, mais ici la copie de Cameron Crowe ne nous fait songer qu’à celle d’un mauvais élève qui a lorgné sur celle de son voisin bien plus brillant… Malheureusement, Ouvre les yeux n’a fait que quelques milliers d’entrées en France, rares seront donc ceux qui pourront se livrer au petit jeu des sept erreurs et la patente gémellité risque de scandaliser fort peu de monde.
Au-delà des ressemblances, le vrai débat se situe donc ailleurs, dans le fait, pour dire les choses pompeusement, que Vanilla sky est symptomatique d’un certain état du cinéma mondial. D’un cinéma où les réalisateurs -démentant l’adage bien connu- ne sont que prophètes dans leur pays. Franchir les frontières implique forcément de revêtir les oripeaux de la mondialisation, autrement dit d’Hollywood : acteurs connus et patine américaine, ici les gratte-ciel new-yorkais et une B.O. fédératrice, par ailleurs tout à fait honorable. Au-delà d’un succès au box-office, Vanilla sky consacre une fois de plus la toute puissance du cinéma américain. L’attaque des clones a déjà commencé.