Le canadien Jason Amm, alias Solvent, est l’un des piliers de Suction, petit label spécialisé dans une electronica très mélodique qui doit autant aux années 80 qu’à Autechre, et cousin de City Centre Office, Bad Jazz ou justement Morr Music. Hélas, il ne bénéficie pas de la même couverture médiatique que ce dernier. C’est donc tout naturellement que Morr invite Solvent à compiler inédits et raretés essentiellement vinyliques sorties sur ces petits labels. On retrouve en outre Lowfish, autre artiste phare de Suction, ainsi que le berlinois Skanfrom sur l’album. Le résultat est exactement à l’image de ce à quoi on pouvait s’attendre, comme la grande majorité des références sur Morr Music : pastel, inoffensif mais aussi charmant, et souvent irrésistible.
Loin de la face new wave de l’electro façon International Deejay Gigolo dont on célèbre en ce moment même les acteurs les plus glamours (Miss Kittin & The Hacker, Fischerspooner), Solvent est l’artisan d’une musique électronique simple, pop, aux lignes claires, entièrement composée à partir de nappes ultratonales et de mélodies guillerettes. Point de rythmes déstructurés, de sonorités revêches ou de samples dissonants ici, les seules textures étudiées sont celles des boîtes à rythmes antédiluviennes à peine retravaillées et des jeux de filtres de synthétiseur analogique, le tout baignant dans une reverb d’ensemble douce et délicate. Les maîtres Isan, qui ont eux aussi trouvé refuge sur Morr, ne sont jamais loin, et leur recette simple (rythmes basiques, mélodies délicieuses et fragrances analogiques) fait ici souvent merveille. Elle tourne aussi parfois court, et sur la longueur de cet album, aussi court soit-il (une petite quarantaine de minutes), on a vite fait d’isoler les joyaux : l’onirique A Panel of experts, en ouverture ; le plus agressif Built in microphone avec ses inserts de voix et de vocoder ; Some assembly required et son thème mélodique qui rentre dans l’oreille pour ne plus en ressortir.
Sans être inoubliable, ce disque souriant, à l’image du petit bonhomme qui court sur la pochette, est un poil au dessus de la moyenne des sorties techno-pop qui ont fâcheusement tendance à se multiplier en ce moment. Néanmoins, gardons bien à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’un véritable album, mais plutôt d’une compilation destinée à faire connaître son géniteur au plus grand nombre. Disons que Solvent maîtrise suffisamment les idiomes de cette musique de surface pour lui inventer des profondeurs. Attention aux excès de sucre toutefois…