The Coup a longtemps été le secret le mieux gardé de la West Coast. C’était un nom que l’on se passait à voix basse, des disques que l’on cherchait des mois après avoir découvert leur existence par un entrefilet dans un magazine US, puis que l’on rangeait à côté de nos premiers Public Enemy et Digital Underground. Ou plutôt, entre les deux. Car The Coup est exactement cela : l’un des groupes les plus radicaux de la scène US, tous genres confondus, mais qui n’a jamais oublié d’être simple et funky, réalisant le mariage paradoxal de Burn Hollywood burn sur l’instrumental de The Humpty dance. Et de fait, leurs disques s’inscrivent dans la lignée précieuse du Sandinista ! des Clash, du Fear of a black planet de Public Enemy, des manifestes muets de ‘Mad’ Mike Banks/UR, ces rares exemples d’alliance réussie entre radicalisme politique et pertinence musicale.
De trio en 1992 le groupe n’est plus aujourd’hui composé que de Pam The Funktress, l’une des rares filles Dj du circuit (il faut écouter sur le premier album de The Coup Pam’s song, son DJ Premier in deep concentration, pour se convaincre de son talent) et Boots, Mc politiquement paranoïaque comme toute la gauche radicale américaine, précipité détonnant de George Clinton et de Noam Chomsky. Rien, cependant, n’a entamé leur intégrité politique et musicale, pas même la pitoyable polémique suscitée par les médias américains autour de la pochette que le groupe avait initialement choisie pour ce Party music. L’affaire forme le matériau des premiers paragraphes de tous les articles qui ont été consacrés à The Coup depuis, il est donc inutile d’y revenir davantage. On se contentera de noter qu’elle aura ouvert au groupe, bien malgré lui, les colonnes de la presse musicale généraliste (et même de la grande presse à sensation), et qu’elle lui a valu peut-être de sortir orné d’un improbable sticker « Les Inrockuptibles – écouté et approuvé ».
Dès le premier morceau (Everythang), les choses reprennent là où l’excellent Steal this album de 1999 les avait laissées : un pur moment de détournement hip-hop, basse bondissante façon parliafunkadelicment et refrain à double sens (Everybody throw your lighters up / Tell me y’all finna fight or what ?). Tout The Coup est là-dedans : des morceaux qui ressemblent aux meilleurs morceaux West Coast mais qui, lorsqu’on y prête l’oreille, joue une toute autre musique : révolution, socialisme, engagement y remplacent gang-bangs, capitalisme, aliénation ; et ça sans jamais oublier de faire bouger les culs et hocher les têtes.
Les amateurs de G-Funk trouveront sur l’album d’autres raisons de lever les mains (les poings) en l’air (Ride the fence, Pork and beef), les amateurs de basses vrombissantes de quoi satisfaire les enceintes de leur 4×4 avec Get up, où Stick des Dead Prez lâche un « Honestly, I’m against this government » mystérieusement retranscrit en « I don’t like this government » sur le livret. Les The Coup savent aussi glisser avec aisance leur poing américain dans le velours de la langueur du son californien (Heven tonite) ou d’une ballade délicatement scratchée par Pam (Wear clean draws), rappelant tout ce que le groupe ne doit pas à Public Enemy.
Mais on est en droit de les préférer lorsqu’ils déballent la grosse artillerie funk pour 5 millions ways to kill a CEO, premier single de l’album et formidable machine à groove socialiste. Basses monstrueuses, impeccable flow narquois de Boots, c’est Dr. Dre avec un béret du Che, et d’ores et déjà le hit underground que le groupe mérite d’avoir depuis longtemps. Sans doute le seul tract d’extrême-gauche qui vous fera danser le funk cet hiver.