Chroniquer un opus de la Fonky Family est un exercice à la fois agréable et périlleux. Agréable parce que le groupe est loin d’être mauvais, parce que les idées des bonhommes qui se baladent sur le beat ne sont pas dénuées de sens et ne se cachent pas derrière des concepts grandiloquents. Mais pénible, dans le même temps, parce que la famille marseillaise possède une fâcheuse tendance, depuis un premier album impeccable à tous points de vue, à se reposer sur ses lauriers, balançant pêle-mêle perles et merdes dans un esprit résolument inégal. Ce Hors-série Vol. 2 ne déroge pas à la règle. Trois inédits et quatre titres live issus du récent Art de rue et enregistrés en mai 2001 à L’Elysée Montmartre sont compilés ici, dressant un panorama plutôt fade des capacités du crew marseillais. Capables de pondre des merveilles textuelles dans la veine d’un Grand vertige, empli de rimes bien senties et balancées avec le ton amer et désenchanté propre au Rat et à ses acolytes, les bonhommes s’avèrent tout aussi habiles pour se vautrer joyeusement dans la misère de constructions musicales à l’emporte-pièce habillées de textes simplistes.
On passera donc rapidement sur le cliché monumental qu’est Warning, sample disco et beat dançoïde à souhait, dégoulinant de rimes foireuses dans la veine « j’ai-rien-à-dire-alors-je-brode ». Sans ce titre, ce disque aurait une tout autre saveur, tant le discours facile « Je-fume-de-le-weed-et-je-mets-les-watts-dans-ma-grosse-bagnole » met tout par terre. On ne résiste pas à vous laisser ici le thème posé en guise de refrain : « Mets les warnings, mets les watts, on rend hommage et si tu veux, après, on boit ». Super ! Et d’ailleurs, dans la plus pure logique du schéma radiophonique, c’est ce titre qui fait office de single, en lieu et place d’une chanson comme Grand vertige, autrement plus pertinente, sobre et discrète dans la forme, enragée et désabusée dans le fond, et qui évoque en un flot d’images ininterrompu, coups d’états et assassinats politiques orchestrés par les « cellules africaines » des gouvernements occidentaux.
En revanche, la partie live du CD laisse entrevoir l’image d’une Family à l’opposé des schémas du hip-hop français, l’unité d’une clique qui maîtrise l’espace scénique, tient son public et transforme ses concerts en un gigantesque exutoire où la rage du grand sud prend toute sa dimension. Le son est tout à fait correct, lourd et pesant, simple et sans fioritures, et Dj Djel, qui a pris l’habitude d’utiliser des chemins un peu trop balisés sur l’album, maîtrise la sauce en live, en dépit d’une fâcheuse influence discoïde sur Haute tension.
La seule satisfaction qu’on tire de cet album, est la constatation que c’est enfin Sat qui émerge en tant que valeur montante de la FF. Dans la cacophonie que finit par devenir le titre Art de rue, menée par des voix haletantes et essoufflées façon fin de concert, il reste curieusement en forme et vole la vedette à ses pairs. Juste retour des choses pour un rappeur qui a su rester discret depuis les premières heures, tout en apportant sa pierre à un édifice qui, sans lui, aurait sans doute prit une toute autre tournure. Mais il reste dommage de constater que le potentiel d’un groupe, qui malgré tout reste en marge du système hip-hop français, ne parvient pas à poursuivre l’œuvre entamée avec Si dieu veut, englué qu’il est dans des facilités et des lourdeurs qui auraient sans doute nécessité une maturation plus intense. Trop dommage !