Yamina Benguigui, réalisatrice de nombreux documentaires dont le fameux Mémoires d’immigrés (1998), s’attaque aujourd’hui au long métrage avec un film sur le déracinement et l’exil. Sans cesse sur le fil du rasoir, entre volonté de réalisme, sensibilité et surtout, loin des clichés, Inch’Allah dimanche évoque une tranche encore récente de l’histoire française, trop souvent méconnue ou enfouie dans les consciences et démontre ainsi qu’il n’est pas forcément mauvais de remuer le passé.
Pour accélérer la reconstruction du pays après la seconde guerre mondiale, la France fit massivement appel à une main-d’oeuvre étrangère. Ce fut d’abord les hommes, seuls autorisés par la loi à venir travailler en France, qui s’installèrent. Puis, en 1974, pour mettre un terme à toute nouvelle immigration, le gouvernement Chirac procède au regroupement familial. Enfin, les femmes et les enfants peuvent rejoindre leur famille. Sur cette base historique, Yamina Benguigui trace par touches successives le portrait d’une de ces femmes, Zouina, qui quitte l’Algérie pour un pays qu’elle ne connaît pas : la France.
Le sujet, peu traité sous la forme fictionnelle, a le mérite de faire le jour sur la condition difficile de ces femmes déracinées malgré elles. En ouvrant son film sur une scène particulièrement déchirante (Zouina doit quitter sa famille), Yamina Benguigui pose d’emblée le problème dans toute sa complexité et ses contradictions. Le parcours de Zouina (magnifiquement interprétée par Fejria Deliba) n’a de cesse de marteler sa difficulté d’intégration, coincée entre le poids des traditions familiales et une volonté toute relative d’indépendance (prendre le bus, faire les courses, parler avec sa voisine). Avec réalisme, la caméra s’attarde sur ces petits riens, sur les moments vacants, l’ennui, la peur, les disputes, la violence de son mari, la solitude, l’espoir et les scènes les plus quotidiennes prennent un sens nouveau, éclairées par les sentiments d’une héroïne, à qui tout est refusé, cadenassée jusque dans sa parole et sa révolte. Avec un sujet si délicat, Inch’Allah dimanche aurait pu facilement tomber dans le pathos le plus larmoyant mais la justesse et l’émotion qui s’en dégagent évitent habilement de s’y attarder.