Sous la houlette de Daniel Toscan du Plantier, initiateur du projet comme il l’avait été pour d’autres films-opéras dont le fameux Don Giovanni de Joseph Losey en 1979, Benoît Jacquot s’attaque ici à l’oeuvre de Puccini avec audace, pour les amateurs mais aussi pour les autres. Mettre en scène un opéra sur grand écran suppose un pari ambitieux et passionnant. Toute la question pour le cinéaste va être de résoudre le problème de la représentation et de la mise en images de ce qui est avant tout musical. Alors, Tosca est-il un opéra, un film ou un documentaire ? Les trois puisque Benoît Jacquot choisit d’en montrer une version hybride et originale.
L’histoire d’abord, est fortement cinématographique et l’on se dit que les opéras regorgent de destins exceptionnels, sources d’inspiration quasi-inépuisable. A Rome, le peintre Mario Cavaradossi vient en aide à un ami révolutionnaire, poursuivi par la police pontificale, en le cachant chez lui. Floria Tosca, cantatrice et maîtresse passionnée du peintre est également courtisée par le ministre de cette même police. Pour obtenir les faveurs de la belle, celui-ci va emprisonner son amant et la contraindre à un odieux chantage. Mais Tosca n’a pas dit son dernier mot ni chanté sa dernière note.
L’originalité du film réside dans la façon dont Benoît Jacquot réinvente (en le dépoussiérant) le genre et le rend accessible aux non-initiés. Il montre ainsi l’œuvre de Puccini sous une forme innovante, en mélangeant les formats. Le premier (et moins réussi) est celui du documentaire filmé en noir et blanc qui, en s’attachant au travail de répétition et d’enregistrement en studio, ne fait qu’apporter une distanciation inutile à un récit dont il ralentit le rythme de façon un peu malhabile. Mais parallèlement et c’est là que le talent du technicien qu’il est se révèle de façon beaucoup plus intéressante, Jacquot utilise les gros plans pour animer joliment les visages Les trois plus grands chanteurs lyriques contemporains se révèlent alors être également des acteurs à part entière. A cela, viennent s’ajouter des décors épurés et un subtil jeu de lumières qui fait la part belle à des clairs-obscurs parfaitement réussis. Du coup, on entre de plain-pied dans l’univers du bel canto et l’on (re)découvre le sens exact et profond des paroles où l’émotion affleure à chaque note.