Voici un film pour le moins intrigant : grosse production américaine (Columbia quand même !), au sujet on ne peut plus épique (l’histoire édifiante d’un jeune écuyer –William- qui finira chevalier), Chevalier s’amuse sans arrêt à brouiller, voire à dynamiter, les pistes. Et le blockbuster annoncé de prendre maintes fois des faux-airs de film cheap, à moitié parodique, à moitié sérieux, sans jamais s’avérer véritablement convaincant.
Ainsi, dans Chevalier, la populace venue assister aux joutes des preux aristos bat furieusement la mesure en hurlant à tue-tête le « We will rock you » de Queen ; une danse médiévale et mesurée finit en rock endiablé sur fond de grosses guitares électriques et lourdingues ; enfin, l’armure du sympathique héros est décorée d’un curieux symbole, sans doute histoire de montrer que ce dernier est prêt à « niker » ses adversaires… Bref, tout cela fleurerait bon (ou mauvais, c’est selon…) la lourdeur mythique d’un Mel Brooks si Brian Helgeland, scénariste de L.A. confidential et auteur / réalisateur de Payback, n’avait pas quelque autre ambition. Car si le bonhomme traite avec autant de détachement tout ce sur quoi d’autres tâcherons se seraient focalisés, c’est sans doute qu’il veut faire diversion afin d’amener le regard du spectateur ailleurs. Entre les nécessaires séquences de chevalerie, ce qui intéresse ainsi Helgeland, c’est la dimension initiatique du récit de William, la thématique du passage à l’âge adulte. Ce n’est donc pas un hasard si, plus le film progresse, et avec lui la quête existentielle du père, plus le réalisateur abandonne les afféteries désinvoltes du début, comme pour signifier que l’on peut plaisanter avec le genre ou avec la mythologie, mais que dès que l’on en revient aux histoires humaines, forcément tragiques, il convient de retrouver un peu de sérieux et d’humilité, par respect envers les personnages. Ce discours idéaliste au sein d’une industrie particulièrement cynique ne peut recevoir que notre sympathie.