Un nouvel album d’Aphex Twin est toujours attendu comme le messie par la communauté electronica. Mais le messie, en l’occurrence, se fout pas mal de ses adorateurs et se contente de scroller dans ses archives sans fond pour sortir du gouffre du passé 30 morceaux choisis plus ou moins au hasard. Huit ans de musique et d’enfermement autiste, ca permet d’avoir de jolis fond de tiroir et de pouvoir sortir après trop d’années d’absence un double opus qui aurait du confiner à l’événement. Seul problème : Drukqs tient plus d’un fourre-tout inégal et bordélique que du véritable trait de génie.
Sur deux heures de musique ou presque, les saynètes au piano s’enchaînent aléatoirement, rappelant à l’auditeur que Richard D. James s’est rassasié des années durant des ritournelles d’Erik Satie (Avril 14th ou Nanou32) ou des bricolages mélancoliques de Pascal Comelade (Kesson daslef). Bref, une musique contemporaine démocratisée, belle et brute comme celle issue de l’harmonium de Daniel Johnston.
Face à cette puissance douce et naïve, quelques essais plus conventionnels mais certainement plus efficaces, rappelant les délires acid-core / drum & bass épileptiques, dont seul lui et Squarepusher ou CeeFax ont le secret. Un ensemble de morceaux comme issus de l’époque de Selected aambient works 85-92 ou de I care because you do, sur Bbydhyonchord, petite comptine percussive du meilleur effet.
Restent quelques essais intrigants, inspirés d’une tradition electro-acoustique, Luc Ferrari en tête (Gwarek2), qui dit non à l’image bêtement techno dont le musicien a parfois été affublée. Une alternative créatrice réussie face au foisonnement de morceaux ultra-courts et souvent inutiles (détournements bon marché, dérision à la petite semaine) qui parasitent les deux disques.
Drukqs n’est finalement qu’un simple carnet de notes qui permet au potache qui sommeille en Aphex Twin de cracher sur Warp, de se foutre des musiciens actuels, de raconter n’importe quoi dans ses interviews, de donner des titres imprononçables à ses morceaux et de proclamer qu’il est « only in it for money ». Soit l’esprit Zappa appliqué au grand bordel électronique ambiant.