A défaut d’être une femme comblée, Bridget Jones, prototype de la trentenaire célibataire, peut s’enorgueillir d’être au centre d’un magnifique phénomène médiatique. Son journal -tout sauf intime- écrit par Helen Fielding s’est vendu à plus de quatre millions d’exemplaires. L’orgasme éditorial n’est pas loin et l’adaptation ciné encore moins.
Bridget en film qu’est-ce que cela donne ? En gros, la même chose qu’en bouquin : le sommaire un tant soit peu plus développé -ou plutôt mis en images- d’un numéro de Cosmo ou de tout autre magazine féminin concourant dans la même catégorie. Avec ses kilos en trop, sa désespérance affective, ses velléités addictives (« j’arrête de fumer, de boire »), Bridget Jones concentre dans ce corps un peu trop développé, un peu trop intoxiqué, toutes les préoccupations d’un gynécée trentenaire. Si Jean-Marie Colombani ne nous avait devancé, il y a quelques semaines après les attentats du WTC, avec son « Nous sommes tous des Américains », on serait bien tenté de paraphraser à notre tour J. Kennedy et de clamer haut et fort « Nous sommes toutes des Bridget Jones ». Evidemment, le douteux élan de solidarité est loin d’être désintéressé et, au-delà de l’irrépressible et si humain processus d’identification, que reste-t-il ? Une actrice assez convaincante victime du syndrome de Raging Bull (pour le rôle, Renée Zellweger n’a pas hésité à mettre sa silhouette « en danger » en prenant 10 kg), quelques situations « criantes » de vérité, et une comédie british aussi formatée que ses cousines hollywoodiennes.
Coulé dans le moule Quatre mariages et un enterrement (les deux films ont le scénariste Richard Curtis en commun), Le Journal de Bridget Jones ne dépasse jamais le stade de la bluette branchée, du conte de fées londonien. Entre le méchant (Hugh Grant, un peu moins sympa que d’habitude mais tout aussi horripilant) et le gentil prince charmant (Colin Firth), Bridget choisira évidemment le second. Entre deux clopes, une bouteille, un amant occasionnel, cette héroïne sociologique de la presse féminine n’attend en définitive qu’une seule chose : écarteler ses bras le plus largement possible afin d’accueillir sur sa généreuse poitrine le conformisme ambiant.