Deuxième long métrage de Jacques Deschamps (après Méfie-toi de l’eau qui dort en 1996), La Fille de son père est un film en demi-teintes, ambigu et mystérieux, qui joue avec le mensonge et les faux-semblants sans toutefois parvenir à convaincre tout à fait. Henri (François Berléand), un homme marié et père de famille, découvre l’infidélité de sa femme (Fanny Cottençon). Déboussolé et prêt à tous les mensonges pour attirer son attention et la reconquérir, il s’invente une liaison et… une fille cachée, Anna (Natacha Régnier).
Jacques Deschamps sait parfaitement semer le trouble et s’en donne ici à coeur joie. Grâce à une mise en scène sobre et limpide, il distille habilement une étrangeté et une inquiétude sourde qui ne sont pas sans rappeler certaines ambiances chères à Claude Chabrol (notamment Merci pour le chocolat, sorti l’an dernier et dont la parenté de thèmes, une jeune fille s’interroge sur la filiation, semble plus qu’évidente). Tout comme chez Chabrol, l’histoire, finalement, importe peu. Ce qui prime, c’est l’atmosphère pesante, l’ambiguïté et le mystère qui règnent sur les lieux, la minutieuse description du malaise grandissant, l’étrangeté qui se glisse jusque dans le familier. En cela, le film est une réussite. François Berléand est austère et énigmatique juste ce qu’il faut, jouant avec l’opacité des sentiments et donnant progressivement une véritable profondeur à son personnage de mythomane, qui se perd en voulant perdre les autres. Frédéric Pierrot (le véritable père d’Anna), éternel second rôle du cinéma français, est également touchant en homme dépassé par les événements. D’où vient alors cette impression de manque ? Au hasard, une suggestion : et si Natacha Régnier sortait de ses rôles habituels de fille paumée, juste histoire de montrer qu’elle est (sûrement) une vraie actrice ? A force de lorgner vers différents genres sans jamais vraiment imposer son choix, le film perd aussi en crédibilité. On se demande alors quelles sont les motivations de chacun, et les sentiments ténus qui liaient si bien jusqu’ici les personnages finissent par s’essouffler. Dommage, car ce drame intimiste n’était pas sans charme.