Au Moulin Rouge tout le monde fricote avec tout le monde : le Paris début de siècle s’accouple avec le New York du Studio 54, les danseuses de french cancan rencontrent les stars hollywoodiennes des années trente et quarante, Broadway baise avec MTV. Monsieur Loyal de ce gang-bang général, Baz Luhrmann n’est mu que par un seul credo « plus, toujours plus ».
Magnificence, opulence, le spectateur en aura pour son argent, donc « plus de musique », « plus d’anachronismes », et surtout toujours « plus de plans ». Victime de la danse de Saint-Guy, la caméra s’agite frénétiquement, zoome à la vitesse de la lumière. Grande est alors la tentation de qualifier cette comédie musicale de capharnaüm stylistique, de reader’s digest indigeste du vingtième siècle. Mais si l’on frise souvent l’intoxication, on ne peut qu’éprouver une certaine fascination face à ce recyclage éhonté, ce film qui mixe aussi bien La Bohème que le Top 50, le mythe d’Orphée que Like a virgin. De l’audace encore de l’audace. DJ de très mauvais goût, Baz Luhrmann ose tout : mélange Dolly Parton avec Elton John, Madonna et David Bowie.
Forcément, la plupart du temps, ce mécano culturel ressemble à n’importe quoi… et pourtant à de rares moments (et c’est surtout ceux-là que l’on retient) le film est touché par la grâce. Peut-être est-ce dû à une Nicole Kidman resplendissante en courtisane phtisique s’amourachant d’une poète sans le sou (Ewan McGregor, par contre toujours aussi fade) ou encore à ce Roxanne de Police entonné de manière vibrante façon air de tango. C’est inexplicable mais Luhrmann ne crache pas que du vent et du kitsch, de temps à autre des sentiments affleurent.
Mais alors qu’elle sait si bien jongler avec les poncifs -standards pop, cinéma, Histoire- la moulinette postmoderne (c’est d’autant plus dommage) ne sait avaler la plus simple des romances. L’amour impossible à la Roméo et Juliette de Satine (Nicole Kidman ) et Christian (Ewan McGregor) ne réussit jamais à s’affranchir de la bluette pour midinette. Entre Grand Guignol et Harlequin, le grand partouzeur Baz Luhrmann ne sait sur quel pied forniquer…