C’est en hommage à la culture française, nous dit-on, que ce surprenant athénien de 25 ans aurait choisi son pseudonyme : sans doute est-ce plus précisément le divin Marquis et les libertins qu’il entendait en réalité saluer en se rebaptisant Auguste Corteau et en écrivant les cinq nouvelles en rouge et noir de ce Livre des vices délicieusement pervers. Implacablement minutieux, il y décrit d’une plume légère les inavouables faiblesses d’une poignée de personnages aux prises avec leurs fantasmes et leurs secrets, des plus innocents (une pute célèbre pour sa maîtrise du coït buccal, dont on découvre avec une certaine hilarité le curieux secret artisanal) aux plus insupportables (les goûts délirants d’une sage-femme imposante et crainte comme la mort ou les perversions sadiques et nécrophiles que cachent les murs du bordel de Starbarine).
Dans un style splendide, Corteau met en scène avec une infinie précision les étapes successives des cérémonials infâmes dans lesquels ses personnages trouvent leur jouissance, créant un univers étrangement clos, à l’abri de l’espace et du temps (murs sans fenêtres, peintures uniformes). Sans jamais céder aux clichés de la littérature pornographique -dialogues coquins et métaphores à tout va-, il recourt à l’horrible et au cruel pour donner forme à des figures en tous points opposées aux canons communs du mâle viril et de la vicieuse soumise : dans son monde érotique à l’ambiance gothique, des jumeaux beaux comme des dieux prennent leur bain ensemble, les plus fortes dominatrices sont lesbiennes et les coïts imaginaires soignent l’autisme. Contes psychanalytiques ludiques ou récits sadiens extrêmes, ces nouvelles dérangeantes sont autant de perles scabreuses.