Après le très minimal et bel album de Miss Kittin & The Hacker, celui parfait et putassier de Fischerspooner, les nouveautés International Deejay Gigolo sont forcément un peu décevantes. Difficile de sortir des classiques instantanés tous les mois. Crossover et Japanese Telecom font les frais de ce réajustement sur le front de l’electro germane.
Crossover d’abord, aka Verona et Desmond, duo new-yorkais autoproclamé hype (« Ils sont beaux, ils sont jeunes, ils sont glamour, ils disent des poèmes et des contes lors de leurs concerts », dixit le dossier de presse). Ces fans de la bassline répétitive 80’s (comme tous les groupes Gigolo ?) ont fait un disque court (32 minutes) mais varié, flirtant autant avec l’electro de Jonzun Crew (les bonnes vieilles beatboxes Roland) que la pop synthétique de Gazebo (remember I love Chopin ?), les gimmicks parlé-chanté des Chicks On Speed ou les ambiances new-wave poisseuses. Le disque tout entier relève d’ailleurs plus de l’ambiant que de la techno, mais une ambiant urbaine, synthétique, froide. Une musique pour musée (le Palais de Tokyo ?) ou hôpital… Mais les morceaux et l’album en général ne parviennent jamais vraiment à décoller.
Japanese Telecom parvient à faire un peu mieux que ses camarades du label. Sur un album essentiellement instrumental, ce groupe de Détroit restaure la vieille fascination de la Motor City pour Kraftwerk, mélangé à un certain sens du groove, minimal techno, efficace. Les nappes de synthés, les lignes de basses, les mélodies, quoique toujours très répétitives, ressemblent moins à une imposture et sont ouvertement plus mélodiques, plus musicales. On ne fait pas seulement bourgeoisement joujou avec ses machines, on essaie de faire des chansons. A l’écoute des sonorités particulières de Beta capsule, martiales, froides, mais fun, on se dit que Japanese Telecom a sans aucun doute des accointances avec les Dopplereffekt, mystérieux groupe electro de Détroit, également sur le label de Hell. C’est d’ailleurs dans ce registre electro dark SM que Japanese Telecom excelle (Cigarette lighter), même si les incursions sur le terrain easy-rigolo (Pagoda of sin, boîte à rythme cheap et petit synthé) ont aussi leur charme. Avec un peu d’imagination, la pochette manga kitsch, une propension Jean Michel Jarre, les titres japonisants (Virtual geisha, Japanese matrix, Virtual Origami), l’usage récurrent du Casio et de mélodies inspirées de musiques asiatiques, pourraient faire de Virtual geisha une sorte de concept-album sur les télécommunications japonaises. Comme si le réseau télécom nippon avait pris son indépendance et faisait entendre sa petite musique (« Allô Lain ? »). N’empêche, dans le lot, pas un seul morceau pour danser. Et c’est surtout ce qu’on demande à un album electro. De nous faire danser.