Remake d’un film de Warren Beatty (Le Ciel peut attendre, 1978), Les Pieds sur terre est une comédie paresseuse qui s’efforce de vanter les talents comiques de Chris Rock, star de la télé US connue chez nous pour ses prestations dans les médiocres Nurse Betty et Dogma. L’acteur joue ici le rôle d’un humoriste loser réduit à un médiocre boulot de coursier. Renversé par un camion qui l’expédie au Paradis, Lance découvre qu’il a été victime d’une bavure céleste et qu’il devait encore vivre une quarantaine d’années. Si on l’autorise à retourner sur Terre, notre héros doit en contrepartie revêtir l’apparence de Charles Wellington, un milliardaire tout juste occis par sa femme et l’amant de celle-ci…
En dépit de quelques répliques assez drôles, Les Pieds sur terre ne réussit jamais à optimiser son quiproquo de départ, à savoir l’impossible coexistence d’un esprit black et d’un corps blanc. Au lieu d’assumer leurs clichés jusqu’au bout (Lance est cool, fauché et amateur de hip-hop tandis qu’il emprunte le physique d’un vieux pingre méprisant), les frères Weitz optent pour un parti-pris faiblard : aux yeux du spectateur, Lance ne se départira jamais de ses propres traits puisque lui-même continue de se voir tel qu’il a toujours été. Hormis deux ou trois aperçus fugaces du gros porc richissime « possédé » par l’esprit de Lance, Les Pieds sur terre se limite ainsi à un désespérant one man show de Chris Rock. Dans l’attente sans cesse frustrée des véritables images-imbroglios (les expressions de Wellington, son apparence guindée et balourde face à la verve et l’énergie de Lance), le public est condamné à se satisfaire d’infra-gags en tentant d’imaginer l’impact auquel ils auraient pu prétendre avec davantage d’audace. Mais rien n’y fait : les réalisateurs d’American pie déroulent leur programme mollasson en le privant de ses effets les plus évidents et aboutissent à un ensemble sans intérêt, malade de son éternel corps manquant.