Personnalité phare de l’industrie du cinéma de Hong Kong grâce à ses activités de producteur (Beyond hypotermia, The Longuest nite) et de réalisateur (A Hero never dies), Johnnie To fut aussi l’un des metteurs en scène de The Big heat, excellent polar produit par Tsui Hark en 1988. Autant dire que le bonhomme a de l’expérience en la matière, exemple à l’appui avec The Mission.
Réalisé en 1999, le film suit les faits et gestes de cinq professionnels chargés d’assurer la protection d’un parrain local menacé de mort. Plus que le milieu de la pègre hong kongaise, ce qui intéresse avant tout Johnnie To est de mettre en scène des protagonistes dotés d’un maximum de panache. Comme dans Les Sept mercenaires de John Sturges ou Les Douze salopards de Robert Aldrich, la « mission » en question n’est qu’un astucieux prétexte pour réunir des individualités charismatiques. Ainsi, le pré-générique nous présente tour à tour les héros vacant à leurs occupations tandis que le premier affrontement, dont on entend seulement les coups de feu, est confiné au hors champ. Par la suite, Jonnie To n’aura de cesse d’observer de près ces cracks de la gâchette et de mettre en avant l’infaillibilité de leurs gestes (voir le split screen impressionnant sur le réglage des pistolets). Ici, et à l’inverse de bon nombre de gangsta movies, ce n’est pas (seulement) le costume qui fait le tueur.
The Mission évite pourtant de se prendre trop au sérieux grâce à son ton décalé et son humour pince-sans-rire qui tourne en dérision les codes d’honneur de ces gangsters. La cigarette « feu d’artifice » ou la partie de foot improvisée à partir d’une boule de papier dans les bureaux du boss ne sont pas sans rappeler les enfantillages d’un Kitano ou d’un Tarantino. A l’instar de ces deux cinéastes, Johnnie To apporte une touche très personnelle au polar, genre avec lequel il entretient une distance à la fois ironique (l’amitié pudique qui unit ces tueurs de sang froid) et mélancolique (l’assassinat du vieux compère de Lung). Mais la marque de fabrique de To est sans conteste l’immobilisme de ses gunfights, véritable contre-pied aux chorégraphies aériennes d’un John Woo. Le cinéaste aime ainsi bloquer une situation jusqu’à la faire paraître sans issue, puis, au terme d’un suspens tendu, la conclure au moyen d’une résolution le plus souvent inventive. Grâce à sa réalisation stylisée, The Mission devrait sans problème combler les amateurs du genre et renvoyer définitivement le dernier Besson (via Nahon) aux oubliettes des nanars.