Hijack stories est le deuxième long métrage d’Oliver Schmitz après Mapantsula en 1987 dans lequel le cinéaste dénonçait déjà l’Apartheid en Afrique du Sud. Treize ans ont passé et la génération Mandela a pris le pouvoir avec ses rêves d’égalité et sa volonté d’en finir avec les haines raciales. Oliver Schmitz revient pourtant à la charge et prend une nouvelle fois sa caméra pour remettre en cause le climat politique et social de son pays. Film coup de poing, Hijack stories sabre une à une les utopies égalitaires d’un gouvernement qui semble ne pas faire grand cas des laissés pour compte de l’abolition de l’Apartheid.
Sox Moraka, le héros de Hijack stories, présente toutes les apparences du noir sud Africain bien intégré : un boulot sympa qui lui permet de vivre confortablement et de se payer des fringues à la mode, une petite amie blanche avec qui il vit en concubinage. Sa vie bascule cependant quand il se met en tête d’obtenir le rôle de Bra’Briza, un braqueur de voitures dans une série télé. Refoulé par le metteur en scène qui lui reproche son manque de vécu, Sox décide de retourner dans le township de Soweto pour retrouver son ami d’enfance, Zama, devenu le caïd du quartier. Oliver Schmitz joue alors habilement du contraste entre l’univers moderne et cosmopolite de la capitale Johannesburg et celui des townships, véritables ghettos où la communauté noire survit entre petit banditisme, drogues et alcools. Un territoire hautement dangereux pour qui vient de l’extérieur comme Sox. A mesure que ce dernier parvient à intégrer la bande de Zama, la frontière entre le jeu et la réalité s’estompe…Sox finit par braquer pour de vrai les voitures et devient le voyou qu’il désirait incarner pour la télé.
Si Oliver Schmitz a le mérite de remettre les pendules à l’heure après l’euphorie qui a accompagné l’arrivée sur la scène politique de Nelson Mandela, son film montre aussi l’utilisation pernicieuse de l’imagerie des townships par l’industrie du cinéma et de la télé. Les chefs de bande y sont érigés en héros charismatiques maniant les pistolets avec classe, caricaturés par des réalisateurs blancs dans des séries télé qui se soucient bien peu du contexte social. Comme tant d’autres, Sox s’y laisse prendre en confondant le mythe et la triste réalité Malgré le didactisme de certaines scènes, Hijack stories est finalement une séduisante mise en abyme du gangsta movie dont elle révèle les périlleux mirages.