Les sudios Warner auraient-ils enfin compris que produire des ersatz de films Disney n’était pas la meilleure politique pour concurrencer la grande usine aux rêves préfabriqués ? Le fait qu’ils aient décidé de créer un dessin animé plus personnel que le précédent (Excalibur l’épée magique, qui ne faisait que singer le plus caricatural des Walt Disney) nous le laisse croire… En effet, si l’on excepte le coup de crayon étrangement semblable à celui qui caractérise la grande majorité des films sortis de chez Mickey (le réalisateur Brad Bird est en fait un ancien animateur des écuries Disney), Le Géant de fer se démarque nettement des longs métrages d’animation américains qui nous sont habituellement donnés à voir. Notons d’abord que ce dessin animé d’une heure vingt-cinq ne comporte aucun passage chanté – contrairement à Excalibur où Céline Dion sévissait inévitablement toutes les quinze minutes. Plus important encore, l’histoire du Géant de fer est loin d’être aussi mièvre que celle des Pocahontas, Roi Lion et autres Mulan, films qui tendent franchement à prendre les enfants pour des attardés mentaux.
Avec cette adaptation de la nouvelle de Ted Hughes, dont l’intrigue se déroulait originellement en Grande-Bretagne, Brad Bird nous raconte tout d’abord les Etats-Unis de la fin des années 50. Le Géant de fer se passe à Rockwell, ville du Maine, au moment où la guerre froide se fait vraiment glaciale et où la paranoïa se développe méchamment chez les Américains. Tout commence par l’arrivée sur terre d’un robot extraterrestre, haut de trente mètres, qui se lie d’amitié avec un petit garçon de dix ans et un jeune artiste beatnik. Ces deux derniers tentent d’isoler la créature de la population afin d’éviter une panique collective et de mauvaises interprétations en rapport avec la course à l’armement. Mais petit à petit, des événements louches ont lieu à Rockwell, et des agents du gouvernement viennent mener l’enquête.
Au-delà de cette histoire d’amitié entre un enfant et un colosse, on peut voir dans certains passages du film une sorte de parodie, une attaque directe même, du cinéma de propagande américain des années 50. Les scènes d’exercices d’alerte à la bombe dans les salles de classe sont d’ailleurs d’un humour assez corrosif (on y retrouve un esprit très proche de la série des Simpsons, dont Brad Bird a été consultant exécutif plusieurs années durant). Plus qu’un simple et inutile mea-culpa, la démarche du réalisateur s’apparente plutôt à la critique violente d’une époque (certains de ses personnages prêchent ouvertement le « tout ce qui est étranger peut être dangereux, et tout ce qui peut être dangereux doit être détruit »). Par là même, il signe un film aux multiples niveaux de compréhension, véritable réussite qui s’adresse aussi bien aux adultes qu’aux enfants.