Chaque année, le Théâtre de la Ville accueille la nouvelle création de la chorégraphe Pina Bausch. Et comme toujours, le public impatient est fidèle à ce rendez-vous incontournable de la danse contemporaine. De ville en ville, Pina Bausch parcourt le monde avec sa compagnie depuis une quinzaine d’années. De ces impressions de voyage naissent les créations. Source inépuisable d’inspiration, ces villes sont pour la chorégraphe le moyen d’explorer la nature humaine, à travers mille petites scènes de la vie quotidienne. Après Lisbonne, Hong Kong, Rome, Madrid et tant d’autres, c’est autour de Budapest, cette année, que Pina Bausch a construit Wiesenland – Terre verte. Elle s’est installée avec ses danseurs trois semaines en Hongrie, trois semaines pendant lesquelles ils ont parcouru le pays, rencontré ses habitants, fait connaissance avec leurs coutumes et leurs traditions. De retour à Wuppertal, port d’attache de la compagnie, la chorégraphe a commencé le travail de création. Nourris d’images et d’émotions de la ville, les danseurs ont improvisé des mouvements, une gestuelle. De là, Pina Baush a sorti un matériel, une base, qu’elle a retravaillé ensuite pour le livrer à ses danseurs. Loin de proposer une visite touristique du pays, Pina Bausch, à travers des images fugitives des différentes cultures rencontrées, raconte la vie. Les manies des hommes et des femmes de Hongrie, leurs traditions, leurs gestes, leurs attitudes se retrouvent furtivement dans le spectacle.
Sur la scène du Théâtre de la Ville, un énorme rocher vert sur lequel dégoulinent des torrents d’eau, un décor conçu par le plasticien Peter Pabst. Toujours à la limite de la danse et du théâtre, les danseurs apostrophent le public, les couples vont et viennent, s’engueulent violemment, s’embrassent, cherchent un endroit sur le rocher pour s’isoler, tentent de se partager une couverture, les femmes se pavanent, dans des robes de soie, un sourire énigmatique aux lèvres, fument sauvagement pendant qu’un djinn fait la cuisine sur un tapis volant. Deux motifs : l’eau et la fumée reviennent tout au long du spectacle comme une tentative de saisir la Hongrie. L’eau, mythe de ce pays réputé terre humide, traversé par le Danube, et la fumée du tabac, symbole également puissant. La scène se répète jusqu’à la fin du spectacle : les hommes versent de l’eau sur les femmes (c’est une coutume pascale hongroise) qui, sous ces rideaux d’eau, tentent de tirer des bouffées sur des cigarettes presque éteintes, les cheveux mouillés et les robes collées à la peau. Pas d’histoire continue dans Wiesenland, mais de courtes séquences qui s’enchaînent sur une bande-son hétéroclite, sans d’autre lien que la volonté d’explorer avec humour la difficulté qu’ont les êtres à communiquer, un thème cher à Pina Bausch.
Pour les fans de cette grande dame de la danse moderne, signalons la reprise toujours au Théâtre de la Ville, de Danzon et également, au théâtre du Châtelet, Viktor, créé en 1986.