Remake de La Fureur de vaincre (1971), l’un des plus gros succès de Bruce Lee, Fist of legend est un film à la gloire de son interprète principal, Jet Li. C’est d’ailleurs l’acteur lui-même qui est à l’initiative de ce projet, sans doute destiné à assurer la place de la nouvelle star au panthéon mythique des étoiles du film d’arts martiaux, aux côtés de son prestigieux aîné. Réalisé en 1994, Fist of legend est cependant plus connu pour avoir révélé en Occident le chorégraphe Yuen Woo Ping que l’on retrouvera par la suite à la direction des impeccables combats de Matrix et Tigre et dragon. L’occasion de s’interroger une nouvelle fois sur la vraie paternité de cette oeuvre rythmée par d’excellentes scènes d’action malheureusement plombées par une histoire que Gordon Chan n’a pas réussi à remettre au goût du jour.
Volontiers xénophobe, La Fureur de vaincre avait pour cadre l’invasion japonaise de la Chine en 1937. Bruce Lee y incarnait une véritable machine à tuer seulement mue par sa volonté de vengeance. Dans la version de 1994, il a bien fallu édulcorer le caractère raciste de l’intrigue et l’adapter à la personnalité de Jet Li, chevalier au coeur pur. Chen Zhen est donc accompagné dans ses nouvelles aventures par une gentille petite copine japonaise qui lui fera connaître son oncle nippon, un combattant sage non dénué d’humour. Voilà pour le volet des relations internationales. Reste que l’histoire a malgré tout pris un coup de vieux et que l’on a du mal à se passionner pour ce récit ouvertement patriotique. D’autant plus que Jet Li, comme à son habitude, en fait des tonnes dans le registre du héros parfait sous tous rapports, sorte de saint asexué envoyé sur terre pour semer le bien. Décidément, le côté « premier de la classe » du personnage décliné par Jet Li dans ses films (exception faite de L’Arme fatale 4) agace tant il manque de nuances et fait preuve au final d’une pénible fadeur.
Heureusement, les combats rattrapent l’indigence de la mise en scène de Gordon Chan à qui l’on doit les moments creux du film qui contrastent avec les temps forts des conflits. On retiendra surtout la scène inaugurale des « membres cassés » dans laquelle Chen Zhen s’applique à briser soigneusement les os de ses adversaires, effets sonores à l’appui. Ou bien encore, celle de la bagarre avec l’oncle, plutôt inventive et dans laquelle point parfois un salutaire second degré. D’une technique et d’une pyrotechnie parfaite, les combats imaginés par Yuen Woo Ping sont plutôt classiques mais leur extrême fluidité leur confère une saisissante impression de réalisme. Si l’on aurait préféré parfois un peu plus de fantaisie et d’humour à la manière d’un Tsui Hark dépoussiérant le film d’arts martiaux, les combats de Yuen Woo Ping constituent toutefois un modèle du genre. Ne manquaient plus que les qualités de conteur d’un Ang Lee pour que le chorégraphe trouve enfin un écrin présentable à ses gracieux ballets. Avec Tigre et dragon, le mal est réparé.