Philosophe, écolo, marin, l’artiste autrichien Hundertwasser a su mettre en lumière au travers de ses peintures comme de ses projets d’architecture, le lien indéfectible unissant l’homme à la nature. Le musée des Beaux-Arts et de la Dentelle d’Alençon réhabilite une œuvre unique disparue de la scène muséale française depuis 1975 !
Friedrich Stowasser naît le 15 décembre 1928 à Vienne d’une mère juive et d’un père autrichien. Dès 1949, choisissant le nom d’Hundertwasser, il développe un travail très personnel marqué par la guerre dont il a souffert, mais aussi par l’œuvre d’Egon Schiele dont il s’inspire. Fort de sa rencontre à Florence avec le peintre français René Brô, Hundertwasser fait avec lui l’acquisition de La Picaudière dans la région du Perche en 1957. Cette profonde amitié va avoir une forte incidence sur son travail, ne serait-ce que par le traitement des couleurs franches et séparées, des personnages aux yeux en amande et bouches navires. Ses toiles éblouissent par les couleurs chatoyantes, fluorescentes, à base de substances inorganiques comme la brique, le sable vulcanisé, la terre, la glaise, le charbon de bois et le calcaire, des larmes dorées ou aluminium. Dès 1953, la spirale devient sa marque de fabrique : « La spirale signifie à la fois la mort et la vie. En partant du centre de la toile, on va de la naissance à la mort qui se trouve aux extrémités du tableau et inversement. » D’où ses toiles à l’atmosphère psychédélique, ni trop figuratives, ni assez abstraites pour parvenir à cataloguer leur auteur. Si la bibliographie d’Hundertwasser est aussi impressionnante que celle de Dali, ses œuvres signées, datées et numérotées sont moins nombreuses. Il mettait plusieurs années à finaliser une peinture, démarche qu’il intitulait le « transautomatisme », théorie plastique dérivée du surréalisme.
Son intérêt pour les ethnies primitives, l’Australie, La Nouvelle-Zélande où il s’établit dès 1986, le pousse à s’impliquer dans l’écologie. En 1968, son Manifeste de la Moisissure fait scandale : « Tous les moyens que j’utilise servent au même but, la vision d’un monde meilleur. Le nôtre selon moi, s’est engagé sur une mauvaise voie. » Parce que la peinture ne suffit plus à ses convictions qu’il affiche haut et fort, Hundertwasser se tourne vers l’architecture en 1982 et fait école. Prônant une Nature citoyenne, ces habitations faites de jardins suspendus, de sols sans linéarité, de colonnes en céramique et toits à bulbe dorés, d’arbres-locataire à chaque fenêtre, sont inaugurées à Vienne en 1986. Opposé à la rigueur du Bauhaus, aidé de l’architecte Peter Pelican, l’artiste réalise ainsi plusieurs projets jusqu’à cet immense complexe La Maison des prairies hautes qui ne verra le jour qu’en 2002 à Dresde. « Je rêvais de concrétiser ces dessins. Je n’ai pas réalisé mes rêves d’enfant, mais j’ai essayé de rêver pour beaucoup de gens. »
Hundertwasser, mort prématurément le 19 février 2000, n’a jamais cessé d’agir et de s’interroger : « Seule la nature peut nous apprendre la création et la créativité. L’homme en est incapable. »