Escale à Mbunk, petit village sénégalais, lieu d’enregistrement du nouvel album de Baaba Maal, qui signe là un retour aux sources, au cœur de l’Afrique. Après des errances, expérimentales parfois, pop sophistiquée, reggae ou rap dans l’album précédent Nomad soul, Missing you (Mi Yeewnii) semble exotique d’être à ce point authentique : enregistrement en plein air, à la nuit tombée, grâce à un studio mobile ultra-perfectionné, ambiance résolument live -les criquets, les coqs ou les voix des gamins qui s’amusent s’invitent et accompagnent les cordes, koras, et la voix puissante et haut perchée de Baaba Maal-, ambiances dépouillées, mélodies limpides et sobres. Plongée dans cet album qui nous emmène, nuit tombante, dans une veillée africaine en pays Toucouleur.
Missing you (Mi Yeewnii), dont les paroles sont une véritable ode à sa terre natale -à la femme, à la nature, à la paix aussi-, et qui succède au très métissé Nomad soul sur lequel on retrouvait le quatuor vocal féminin irlandais Screaming Orpheans, ou le pionnier du rock et de la musique expérimentale Brian Eno, n’est cependant pas exempt de certains paradoxes, dont un de taille : c’est John Leckie, le producteur chouchou de la pop anglaise (Radiohead, Stone Roses), qui a managé ce retour aux sources. Mission accomplie.
Les chansons de Missing you ont été composées à la guitare acoustique par le chanteur, trois des onze titres ont été co-signés, notamment Kowoni Mayo, avec l’ami d’enfance et griot Mansour Seck : l’album est une balade, les bruits du village entament et concluent l’album.
La guitare de Kante Manfila et la kora de Kaouding Cissokho tissent une rythmique harmonieuse sur Yoolelle Maman, quand dans Leydi Ma, Baaba Maal flirte avec le blues. Dans Miyaabele, une vieille chanson de pêcheurs sur un tempo de valse, balafons et koras accompagne la voix du chanteur, renforcée par le London Community Gospel Choir. Dans l’entraînant Fa Laay Fanaan, c’est une femme griot, Mamy Kanoute, qui s’adonne à de jolis contre-chants, alors que dans Fanta, inspirée d’un conte ancien, Baaba Maal lutte contre l’esprit du fleuve, symbolisé par les chœurs féminins, avec pour seules armes kora, guitare et balafon. Kowoni Maayo, enregistrée avec Mansour Seck, est une évocation nostalgique de Podor, village de pêcheurs sur le fleuve Sénégal, aux confins de la Mauritanie, où les deux amis ont grandi : le jeu de guitares ne va pas sans rappeler le son mélancolique cubain. Sur Laare Yoo et son rythme populaire et entraînant, tout comme sur Mamadi, bien chaloupé, l’ambiance festive est au rendez-vous. Enfin, Allah Abdu Jam, hymne à la paix, commence avec le hoddu pour aller crescendo, ponctué de tamas, avant que le groupe en son entier porte la chanson vers son finale majestueux, et que réapparaissent criquets et murmures de gamins.
Balade au cœur d’une nuit africaine, Missing you est sans conteste un album puissant, autant qu’envoûtant. Retour au quai de l’émotion pure pour Baaba Maal, à ne manquer sous aucun prétexte.
Baaba Maal (vcl), Baaba Maal, Mansour Seck, Ilon Ba, Ouzin Barry, Kante Manfila et Chris Franck (g), Aly Wague (flûte), Barou Sall, Mama Sall et Omar Sall (hoddu), Kaouding Cissokho (kora), Elhadj Niang et Ouzin Barry (bg), Bada Seck, Bakhane Seck, Aliou Seck, Ali Seck, Karim Mbaye, Massow Ndiaye, Pa Seck, Babacar Seck, Medioune Ndiaye, Zale Diagne, Assane Ndiaye, Thio Mbaye et Macadou Samb (perc.), Sabar, Chris Franck (perc. brésiliennes), Janio Coronado (congas), Massamba Diop, Assane Diop, Bouba Kalidou Ba, Samba et Moussa (tama), Lansine Kouyate et Elhadj Aw (balafon), Mamy Kanoute, Goundo Cissokho et Sokhna Cissokho (vcl), London Community Gospel Choir (vcl). Enregistré à Nbunk, Toubab Dialow (Sénégal) et au studio Real World de Bath ; mixé par John Leckie aux studios Real World et Abbey Road.